lundi 12 février 2024

12 février - Aujourd'hui l'imprévu

Journée rude physiquement, parce que le week-end n'a duré qu'un jour, que je me suis réveillée dans la nuit, que le trajet est plus long que d'habitude cette semaine, que je suis restée plus longtemps au boulot parce que les enfants sont partis et qu'il n'y a pas d'impératifs de ce côté, que je me suis tapé les heures de pointe dans le métro, que j'ai mes règles et qu'elles me tabassent pas mal.

Dans la tête ça va. J'ai eu des conversations intéressantes avec mes collègues, j'ai avancé sur un truc qui me stressait un peu, et mon cours s'est bien passé ce matin, même s'il s'est terminé sur une petite colère.

Et les rayons de soleils imprévus, les petites touches jaunes des jonquilles sur le chemin, les petites voix excitées de mes enfants au téléphone, tout ça était joli à regarder et écouter.

mercredi 31 janvier 2024

31 janvier - Aujourd'hui moment lumineux

Journée un peu vasouillarde aujourd'hui, parce que le Moineau et moi sommes malades, et que la nuit a vraiment été mauvaise. J'ai réussi à bosser, quand même, plutôt mieux que d'autres mercredi.

Quelques chouettes moments, quand même.
Des rires au milieu des quintes de toux avec ma fille à 2h du mat, puis en fin d'aprèm, en parlant de son frère mignon-couillon.
Une belle lumière sur le jardin ce matin, par la fenêtre de la cuisine, et par celle du bureau où je bossais.
La satisfaction d'obtenir ce que je veux de la part de collègues pas toujours simples, d'arriver à se mettre d'accord sans heurts, de ne pas avoir besoin de passer en force.
Le plaisir à voir les jolis, économiques et ingénieux "bateaux à voiles" que mon fils à fabriqué avec un jeu de construction reçu à Noël.
Une sieste sans interruption, et un petit moment de quiétude au réveil. L'explication que je lui ai donnée sur ce qu'était le fierté, en voyant son sourire quand il a réussi à finir un puzzle un peu compliqué. Il m'a dit que c'était de la joie, je lui ai dit qu'il y avait différents types de joie.. C'était joli.

dimanche 28 janvier 2024

28 janvier - Aujourd'hui bu

Mon principal objectif aujourd'hui aura été de réduire mes maux de crane et de dos.

4 thés, une tisane, beaucoup de flotte, une sieste, deux doliprane, un ibuprofène, une douche et une bouillotte plus tard, ça va plutôt mieux.

Tant mieux, parce que mon mec est parti passer l'agrèg, et je suis seule avec mes ptits pioupious pendant deux jours. Entre ça, la reprise des cours, la convocation pour une enquête administrative que je crains un peu, et les possibles problèmes de transports du fait du blocage de Paris par des agriculteurs en colère, le début de semaine ne sera pas de tout repos.

Quand faut y aller, faut y aller...

samedi 27 janvier 2024

27 janvier - Aujourd'hui journée des pieds

Une notification parfaitement incongrue tôt ce matin sur mon téléphone: elle m'informait que j'avais fait zéro pas dans la journée. Je n'avais pas encore mis le pied par terre, évidemment.

Une fois levée, j'en ai fait quelques uns, quand même, de pas. Deux allers-retours à la pharmacie, un chez le médecin. Juste ce qu'il faut pour s'occuper un peu de moi (et ça a suffi à me fatiguer. Le semestre avec 4 ou 5 aller-retours à Paris par semaine va être rude, je le sens). Mes pieds, au moins, n'ont pas mal ces jours-ci, et j'avoue que c'est un soulagement.

Ma fille a passé une partie du dîner à se demander si ses mains ressemblaient à des pieds, ou si c'était plutôt ses pieds qui ressemblaient à des mains. L'air dégoûté de son père (qui déteste les pieds, allez savoir pourquoi) ne l'a pas beaucoup dérangée dans sa réflexion, et l'ensemble de la scène était assez comique, je dois dire :)

mardi 16 janvier 2024

16 janvier - Aujourd'hui mal

J'ai un peu mal au dos, ce soir, et au pied, au genou. La faute aux deux sessions de trois et quatre heures sans bouger d'une chaise dans la journée d'une part, et aux problèmes de transports d'hier qui m'ont fait beaucoup galoper d'autre part. Mais c'est pas un si mauvais bilan, ces jours-ci. Mon estomac me laisse tranquille, et ni le pied ni le genou ne sont endoloris au point de m'empêcher de marcher. (Pas sûr que ça dure, on verra demain). Je vais y aller doucement les jours qui viennent, quand même.

J'ai réalisé ces derniers mois à quel point j'associais une absence de douleur à une absence de sensation. Ma psy (dont l'approche est très axée sur le corps et la somatisation) commence chaque séance par un genre de temps de relaxation, et me demande ensuite comment je me sens, dans mon corps. Et il m'arrive de plus en plus souvent de dire que je n'ai pas de sensations. Comme si toutes les perceptions inférieures à un certain seuil de douleur ne s'enregistraient même pas. Comme si mon corps avait besoin de hurler pour non seulement que je l'écoute, mais que je le *perçoive*. Je dis "douleur" mais en réalité les perceptions agréables très fortes s'enregistrent aussi. C'est juste qu'au quotidien, les douleurs fortes sont plus nombreuses, et durent plus longtemps que les plaisirs très intenses.
Ce constat, ces constats m'attristent, un peu. Du coup, j'essaye de me rééduquer, ces temps-ci, à percevoir les petites sensations. Les petits conforts.

Les écarts de température, aussi. Je réalise en écrivant que je dis, depuis 20 ans, que je n'ai pas beaucoup d'inertie de ce côté là, que je passe toujours de "trop chaud" à "trop froid" sans zone de confort, que je n'ai pas de montée ou de descente graduelle vers l'un ou l'autre. Mais peut-être qu'en fait je ne prête attention à la température ressentie que quand elle devient insupportable? Peut-être que c'est surtout un problème d'attention?

C'est un thème qui revient vraiment par plusieurs côtés, cette histoire de manque d'attention à mes perceptions et à mon corps. J'ai cru pendant plus d'une décennie avoir des pertes auditives assez importantes. Mais jai fait un audiogramme récemment et : non, pas vraiment, à part une fréquence particulière en dessous de 30 décibels, et il n'y a rien de catastrophique, c'est dans les clous par rapport à mon âge. Le gars m'a dit "c'est sans doute plutôt un problème d'attention, dû au stress, à la colère, à la fatigue, etc." Ça a piqué pas mal, ça aussi.

Donc, voilà: la douleur, les sensations, les perceptions, comme des messages que je trouve sans doute opportun ou confortable de ne pas écouter, et qui reviennent tambouriner à la porte quand le moral plonge. C'est une des pistes que j'explore en ce moment. Ça pique, mais ça me parle quand même pas mal, je trouve intéressant de tirer sur le fil pour voir quel bout de la pelote viendra.

mardi 9 janvier 2024

9 janvier - Aujourd'hui tentative de liberté

Je n'ai pas passé une très bonne journée, pour plein de raisons. Le boulot, le froid, la neige, mon corps fatigué et douloureux. Ma culpabilité d'avoir oublié de donner son goûter à ma fille pour l'étude, de rentrer tard et d'obliger mes enfants à rester plus de 10h à l'école aujourd'hui.

Le truc qui m'a le plus affectée, je crois, est un mail de mon père. Il avait prévu il y a quelques mois d'organiser une exposition rétrospective des œuvres de ma mère, pour célébrer ses 70 ans. Ça devait se passer dans un très beau lieu, une chapelle dans le Vercors. Il m'a écrit aujourd'hui qu'ils avaient décidé d'annuler, parce que l'organisation était en train de devenir un sujet massif d'angoisse pour eux deux, parce qu'ils vieillissent, qu'ils ont des problèmes de santé, chacun au moins une opération à venir dans les mois prochains, sans en connaître encore la date, etc. Je comprends très bien qu'ils renoncent, mais ça m'a fichu un coup au moral.

C'était un beau projet, cette expo, et ça me faisait envie. D'aider ma mère à choisir dans la multitude de ce qu'elle a créé depuis 40 ans. D'aller aider à l'accrochage. De voir la famille et les amis réunis autour d'elle et de tout ce qu'elle a fait de beau. Et leur vieillissement m'entame aussi beaucoup ces derniers jours. Le rétrécissement de la vie. La perte d'autonomie et de liberté. Pas juste physique, mais mentale. Mes parents ont passé toute leur vie de couple à se lancer ensemble dans des projets un peu fous, un peu démesurés, toujours un peu hors des clous, pour faire du beau, pour penser des choses, pour fabriquer du vivant. Je crois que sous cette forme-là, c'est terminé. Il en restera d'autres, moins ambitieuses, et pas moins intéressantes. Mais ils font, il me semble, en accéléré, le deuil de plein de choses qui étaient eux, et je me retrouve à le faire avec eux. Un peu à l'arrière plan, parce que ce n'est pas de moi qu'il s'agit, mais douloureusement, quand même, parce c'est une part importante et constitutive de mon histoire.

Il y a eu une tentative, une tension pour faire, organiser, créer du beau, encore une fois.
Et il faut reculer.
C'est la vie. Et c'est un peu nul, sur ce coup-là.

vendredi 5 janvier 2024

5 janvier - Aujourd'hui acheté

Hier après-midi, mon fils s'est rappelé avec désespoir qu'il n'avait plus aucun sablés de Noël ramenés il y a deux semaines de l'école, vu qu'il en avait mangé une partie avant de partir en vacances, et avait généreusement distribué les trois derniers au reste de la famille. J'ai acheté ma tranquillité en lui promettant de faire des sablés avec lui aujourd'hui.

Il avait zappé, mais mon mec s'est fait une joie de lui rappeler tout à l'heure en fin d'après-midi, alors que j'étais pas très motivée, que le petit devait lui même encore prendre son bain, qu'il fallait préparer le repas, etc. Je me suis exécutée quand même, parce que je n'ai (presque) qu'une parole. La confection des sablés ne s'est pas trop mal passée finalement, mais on a mangé assez tard, le gamin était pas bien et relou, et pour couronner le tout, je me suis brûlée en sortant la deuxième fournée.

Une toute petite cloque, mais ça fait mal, cette connerie.

jeudi 4 janvier 2024

4 janvier - Aujourd'hui le plus petit de tous les petits riens

Ce soir, mon œsophage est de nouveau en feu, quatre jours après la fin d'un traitement d'un mois visant justement à éviter ce genre de désagrément.

Pourtant, j'ai rien fait.

J'ai été sage.

Bon. Un énorme repas libanais, avec trois verres de vin.

Et en dessert, presque rien.

Un tout petit rien du tout.

Le plus petit de tous les petits riens.

Un énorme mouhalabieh.

Pfft. C'est moche de vieillir.

(M'en fiche, ça valait le coup, j'ai passé une très bonne soirée :) )

vendredi 4 novembre 2022

1985-1986: Premiers souvenirs

Mon plus ancien souvenir date, je crois, de cette année-là.

Je suis chez mes grands-parents, dans une entrée assez sombre. Un escalier qui me semble très haut et très raide part sur ma gauche. Il y a peut-être une petite fenêtre en haut des marches. Et une porte en face de moi, je crois.

Je ne sais même pas si c’est mon souvenir que je raconte, ou le souvenir de mon souvenir. C’est en tout cas l’un des seuls souvenirs de ma très petite enfance qui ne soit pas imprégné d’une très forte émotion.

Dans un autre sans doute un peu plus tard, je cours pour rattraper mes grands-parents, qui m’ont un peu distancée sur une route. Je tombe, un caillou pointu m’entaille profondément le genou. J’ai sans doute pleuré, mais je ne m’en souviens pas. Juste de la course et de la chute.

J’ai toujours la cicatrice.

Dans un troisième, je cours, pleine d’allégresse, dans les coursives de l’Université Lyon II, où travaille mon père. Il m’y emmenait quelques fois, et je fréquentais de temps en temps la halte-garderie (oui, il y avait une garderie à Lyon II dans les années 80. Je ne sais pas si vous vous rendez-compte, je n’ai jamais revu ça dans aucune fac...)

J’ai eu quelques cours dans ces locaux, pendant mes premières années d’études. Mais le sentiment de familiarité que j’ai avec ces lieux, et l’affection que j’ai pour eux, date de l’époque où je n’avais aucune idée de ce qu’on y faisait. Il y avait juste de longues coursives vides, le soleil entre les barreaux des balustrades, les jardins.


Ma mère est enceinte de mon frère, cette année-là. Je n’en ai, pour le coup, aucun souvenir.

mardi 25 octobre 2022

Se reposer

"Repose toi"

"Il faudrait que vous fassiez du sport. Vous marchez, vous n'êtes pas sédentaire, mais il faudrait que vous fassiez du sport pour vous détendre."

"Allez marcher, faites des promenades."

"Faut faire du renforcement musculaire, pour ne plus te coincer le dos systématiquement."

Tout mon entourage familial, amical, réseau-social, médical, semble d'accord sur les solutions. Pour aller mieux. Il faut que je me repose, que je prenne du temps pour moi, que je lâche prise, que je fasse du sport.

J'entends bien. Je suis même d'accord sur le fond. Je voudrais juste bien savoir quand. Qui me libèrera du temps pour ça. Et qui me donnera le sentiment que je PEUX prendre ce temps, quand j'en ai besoin.

Il y a quelques semaines, j'ai dit non à un collègue qui me demandait de remplacer quelqu'un au conseil de laboratoire (mensuel). Ou plus exactement j'ai commencé à louvoyer, c'est le jour que j'ai bloqué pour la recherche, et j'ai mal au pied depuis des semaines, je ne peux pas promettre de pouvoir faire le trajet. Il m'a dit "D'accord. On n'est pas là pour esclavagiser les gens". J'en ai pleuré. Tellement c'est rare qu'un collègue entende et admette que je puisse dire non. Tellement c'est rare de ne pas avoir à batailler pour préserver dix minutes de mon temps.

La plupart de ces collègues ne sont pas d'horribles esclavagistes. Juste des gens eux-mêmes surchargés de travail. Qui veulent que la maison, les maisons en fait (le labo, la section, le département, l'établissement), tournent. J'en fait sans doute partie moi-même. Les mails jusqu'à minuit, les textos, les contraintes intenables, les délais, les transferts de charges administratives pour faire des économies de bouts de chandelles. Les collègues (souvent copains ou copines) qui me souhaitent du repos sont en partie les mêmes que celles et ceux qui font peser sur moi des contraintes. Et j'en fais peser sur eux aussi. Et chaque fois qu'un maillon lâche, la chaîne se tend pour tous les autres.

Mes enfants voudraient une maman qui crie moins, mais ont du mal à supporter que je puisse avoir besoin de temps sans eux. Ça peut se comprendre: ils ont 3 et 6 ans, et sont déjà assez autonomes. Objectivement, ils ne sont pas tout le temps sur mon dos, ils se gèrent pas si mal. Ils ont juste un sixième sens pour se coller à moi dans les moments où je suis sur le point d'exploser.

Je le sais bien que c'est difficile de demander à des enfants de se passer de leur mère.


Mon amoureux m'encourage à me reposer, à prendre du temps pour moi. Il prend tant d'heures par semaine pour ses besoins à lui, je devrais faire pareil. On s'arrangera. Mais dans les deux jours qui suivent la conversation, deux preuves éclatantes que dans les faits, ça n'est pas possible. Et une semaine plus tard, rebelote pour l'organisation des vacances. Il faut aller quelque part, et faire quelque chose ensemble, quand je voudrais juste pouvoir dormir toute la journée.

Lui aussi est au bout du rouleau, je le sais bien. Je le sais bien que si je m'arrête, tout lui retombe dessus. Il a besoin aussi de certaines choses, pas les mêmes que moi. Bon.


Alors moi, je veux bien, réorganiser mes routines de travail dysfonctionnelles. Arrêter de consulter mes mails au petit matin, tard le soir, le week-end. Prendre des anxiolytiques le temps que la vague passe. Retourner voir une psy moins d'un an et demi après avoir arrêté l'analyse. Faire trois-quatre dessins et deux balades pendant mes trois semaines d'arrêt.

Mais je voudrais qu'on arrête de faire semblant. De prétendre qu'il suffit que JE prenne soin de moi, et que le monde acceptera de se réorganiser autour de moi. Que je peux bosser uniquement à des horaires décents et abattre le travail attendu de moi. Que je peux dormir quand j'en ai besoin. Sortir et voir des gens quand j'en ai besoin. Être seule quand j'en ai besoin. Prendre des vacances vraiment reposantes pour moi. Ne recevoir des gens chez moi que quand je suis en état de les accueillir.

Qu'on arrête de faire comme si le temps était extensible.

Qu'on arrête de me dire de prendre soin de mon corps qui fout le camp par tous les bouts, comme s'il encaissait pas en continu depuis 12 ans le stress, la fatigue, les grossesses et fausses-couches, les déménagements. Comme si c'était juste moi qui le bichonne pas assez.

Et qu'on arrête de faire comme si c'était un problème individuel, et non pas social. Personnel, et non pas global.

"Fais du sport, ça ira mieux".

Allez vous faire voir, en fait.

jeudi 5 mai 2022

Bercail

Quatre jours chez mes parents, sans Nawimba ni les enfants.


Trajet tranquille. Une chanson dans la tête, tant d'années plus tard.

Retrouvailles.

L'odeur de la lessive de ma mère. La saveur des choses pas goûtées depuis longtemps.

Nuits hachées. Tirer sur la corde. Tirer, tirer, tirer.

Des fleurs, la végétation. Folle puis moins folle. L'explosion, les couleurs. L'odeur de menthe sur mes doigts.

Des nouvelles des oiseaux du coin et des souvenirs des amis lointains.

La création débridée des deux dernières années. Du beau. Du caché. Des boites dans des boites, des plis dans des plis. L'os dans l'ocre, l'or dans l'encre.

Beaucoup de mots.

Lui. Lui. Elle. Eux. Lui et sa toute petite aussi.

La lumière dans les peupliers. Le bruit de la chute d'eau.

Lâcher prise. Soupirer. Rire.

Épuisée. Et plus sereine que je ne l'ai été depuis des semaines, après ce retour au bercail.

lundi 18 octobre 2021

Visage, corps et âme

Envie d'écrire un truc sur mon corps ce soir.

Dans le cadre d'un projet de vulgarisation scientifique avec des enfants, on m'a demandé une photo de profil à mettre sur la page web, pour faire la comm' du projet. J'avais rien de récent sous la main, donc j'ai tenté à quelques reprises de prendre des photos de ma tête, avec des résultats pas toujours ravissants (comprendre: j'étais pas ravie de les voir).

Parce que je constate à quel point mon visage est fatigué. Depuis deux ans, je crois. Ou cinq. Ou 10, je ne sais pas. Un truc pas simple est de constater le vieillissement de mes traits. Pas tant parce que ça signifie que je vieillis. Je suis assez à l'aise avec cette idée, et je ne me trouvais souvent pas très jolie jeune non plus, de toute façon, y a rien de perdu de ce côté là. J'ai le visage d'une femme de mon âge, rien de tragique là dedans.

Ce qui est dérangeant, en revanche, c'est qu'il a pas mal changé en peu de temps. Et que j'ai parfois du mal à le reconnaître. J'ai vécu longtemps avec l'idée que je n'avais pas changé de tête depuis l'enfance, que quelqu'un m'ayant vue à 4 ans pouvait encore me reconnaître à 30. Je ne suis pas sûre que c'est encore vrai.

J'ai eu un moment comme ça, il y a quelques années, lorsque j'ai perdu 10 kilos en quelques mois, sans le vouloir du tout. C'était désespérant, pour moi, de perdre ce poids, alors que la seule chose que je souhaitais, c'était en prendre. Mon corps ne parvenait pas à conserver une grossesse plus de quelques semaines, et moi je fondais. Et j'ai vraiment eu une période un peu compliquée. Moi qui m'étais toujours vécue trop ronde, je trouvais insupportables ces creux dans mes clavicules et au niveau de mes genoux. Ou.. peut-être pas insupportables, mais irrémédiablement étrangers. Séparée de mon corps par cette incapacité à rester enceinte.

Quelqu'un m'a proposé de poser nue pour des photos à ce moment là, et j'ai oscillé, entre l'idée que ça me permettrait peut-être de me recomposer une image de mon corps, et l'impression que je ne pourrais rien donner de "vrai", tellement j'étais en guerre avec lui.

Et puis j'ai fini par l'avoir, mon deuxième bébé. Une grossesse un peu rude, beaucoup moins confortable que la première menée à terme. Trois derniers jours de contractions, interminables et douloureux. Et un accouchement qui est arrivé pour moi comme une réconciliation, avec mon bébé bastonneur et frondeur, et avec mon corps aussi, qui pour le coup, a fait ce que j'attendais de lui à la perfection.

La crise sanitaire est arrivée très vite après, dure pour tout le monde, physiquement, et psychologiquement. Mon fils vient d'avoir deux ans, et ça me paraît surréaliste.

Et donc là, d'un coup, je regarde mon visage sur l'écran, et il est le témoin parfaitement fidèle de ces dernières années, je crois. Marqué à la mesure de ce que j'ai encaissé. Et en même temps, ça me demande quand même un réajustement, parce qu'il n'est plus conforme à l'image de moi que je trimballais dans ma tête. Je le vois tous les jours dans le miroir, mais j'ai d'un coup l'impression de le (re)découvrir.

Alors même que j'ai complètement réintégré mon corps, pourtant lui aussi assez différent de ce qu'il était avant mes grossesses. J'imagine qu'il y a encore un palier, et qu'une fois qu'il sera passé, je serai repartie pour quelques années à connaître ma tête.

Mais en attendant, c'est qui cette dame, sur l'écran?