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samedi 21 janvier 2023

Lectrice

Le Moineau a commencé à apprendre à lire vers 3 ans. Un pied sur l'accélérateur et un pied sur le frein pendant des années, sans doute parce qu'il était trop évident qu'on la guettait. Lire, c'est IMPORTANT. Un peu trop, quoi.

Mais l'entrée en CP a débloqué ça. La lecture, ce n'est plus "faire plaisir à Papa-Maman, mais pas trop, mais un peu quand même.". Ce n'est plus juste : lire les lettre et les syllabes et les mots. D'un coup, vers la fin novembre, elle a basculé dedans. Ça a fait un grand PLOUF. Dans la mer des histoires, des informations à chercher toute seule, du lien qui se fait entre les choses. Sans nous. T'as déjà vu un moineau qui prend son bain avec délectation? Ben mon Moineau, qui s'ébat dans le grand bain des livres, pareil.

Dans tous les canapés et fauteuils de la maison, dans son lit enfouie sous la couette, allongée sur le tapis dans la salle de jeu, ou dans le petit coin lecture avec les pieds posés sur la bibliothèque. Un bouquin rapporté de l'école chaque jour. Plusieurs dévorés chaque jour passé à la maison. Elle commence même à préférer lire seule le soir plutôt que de nous écouter lui lire une histoire. Et elle fait maintenant seule la partie "lecture" de ses devoirs.

"Maman, apparemment, le soleil n'en est même pas à la moitié de sa vie!"

"Maman tu sais, j'ai lu mon livre dans mon lit, et je me suis endormie, et après je me suis réveillée, et j'ai fini de lire le livre."

"Maman, je peux avoir un livre sur les champignons?"

La joie de la voir découvrir chaque micro-plaisir associé à la lecture. Le bonheur de se dire que ça ne fait que commencer pour elle. Ça fait partie des choses qui éclairent cette période tristoune.

mardi 29 novembre 2022

Muzoo

Il y a longtemps, le Moineau a commencé à inventer une langue à elle, le muzoo. Elle m'a confirmé l'orthographe depuis, mais ça se prononce comme "museau". Elle inventait et réinventait le lexique au fur et à mesure. Nous donnait parfois des longues explications sur l'évolution phonétique ("Avant, tel mot se prononçait comme ci comme ça mais maintenant ça a changé, c'est devenu comme ça."). Bon, une fille de linguistes, standard, quoi.

Pour autant que je puisse en juger, le muzoo est une langue à tons, avec un système phonologique pas trop complexe, et des mots plutôt longs. Et beaucoup beaucoup de synonymes, vu qu'elle ne se souvient pas d'une fois sur l'autre des mots qu'elle invente...

Et puis au bout d'un moment, elle a commencé à créer un pays imaginaire autour de la langue muzoo. Le Muzoo. Elle donne régulièrement un ou ou deux détails sur la géographie, la vie au Muzoo. Elle semble vraiment le vivre au quotidien. Le Muzoo se balade autour d'elle quand elle bouge, sous nos yeux. Merveilleux (merveille-yeux?) Il y a un an à peu près, elle a commencé parler de l'Hexamone (c'est moi qui orthographie, elle ne m'a pas dit comment ça s'écrit). Un énorme rocher, qui surplombe un grand lac, avec une cascade. L'Hexamone est creux, on peut vivre dedans.

Au Muzoo, depuis quelques mois, il y a aussi des villes, qui ont des noms de fêtes. Noël, Halloween, Pessah. Elle a embarqué son frère dans son délire. Leur ville préférée c'est Halloween. Et samedi dernier, elle a décidé qu'à Halloween, ce jour-là était l'anniversaire de l'Etourneau (oui, y a des anniversaires différents, au Muzoo. Ptet dans chaque ville. Je suis pas sûre.). Elle lui a préparé un cadeau, et on a fait un gâteau. Et on a chanté "Joy'Halloween-versaire".

Il y a quelques jours, j'ai appris que les habitants du Muzoo était les muses. Et ce matin, elle m'a annoncé qu'elle ne vivait plus à l'Hexamaune, mais sur une île merveilleuse (mer-veilleuse?). Et que le Muzoo n'était pas juste à côté de la France, mais avait même un bout en commun avec.

Souvent, je reconnais des choses à moi, chez ma fille. Souvent des choses que j'aurais préféré ne pas lui refiler. Mais l'imagination débridée, c'est son père. Et c'est une source d'admiration sans fin pour moi.

Je la regarde du coin de l’œil, ma fille. Je ne peux pas m'empêcher de noter tout ça dans un coin de ma tête, d'arpenter derrière elle les espaces qu'elle crée, en essayant de ne pas être trop intrusive.

Ma merveille. (Mère-veille?)

dimanche 30 octobre 2022

1984-1985: Jumelles

J’ai réalisé après avoir écrit mon premier texte que je n’y parlais presque pas de moi.
Mais moi, sans les souvenirs, c’est quoi ?
Des discours à propos de moi. Les mots des autres.

J’ai vécu mes premières années sur la colline de Fourvière, à Lyon. Mais mes parents rénovaient sur leur temps libre, une vieille maison en Isère, dans l’idée de s’y installer un jour. Il s’agissait d’un des bâtiments d’une vieille ferme, possédée par un couple de leurs amis. Les Blaches. On va aux Blaches.

Nous y passions donc souvent les week-ends et une partie des vacances, quand j’étais toute petite. J’ai beaucoup de souvenirs plus tardifs de cette maison, dans laquelle nous sommes souvent retournés même après que mes parents ont renoncé à leur projet. Elle est à l’origine de mon amour pour les vieilles baraques de campagne poussiéreuses, dont toutes les pièces sont pleines de bric et de broc et de vieux livres. Mais je n’ai pas de souvenir personnel de là-bas avant mes 4 ans.

J’en ai beaucoup entendu parler, en revanche. La famille des amis de mes parents étaient haute en couleur, et nombre d’anecdotes appartenant à la légende familiale datent de ce temps-là.

Une ambiance sonore. Le son des violons malmenés par les enfants qui débutaient. Les aboiements du montagne des Pyrénées de mon père, et de celui des amis. Les pigeons. Les déconvenues de mes parents, aussi, qui se formaient sur le tas à tout un tas de techniques manuelles et de bricolage, avec… plus ou moins de succès.

Les conneries des enfants, aussi. Les amis de mes parents avaient 6 enfants, tous un peu surdoués (ou beaucoup), tous musiciens. Tous un peu frappés, je crois. La cinquième d’entre eux, M., avait un mois de plus que moi. Quand nous étions aux Blaches, et tant que le bâtiment que mes parents rénovaient n’étaient pas terminé, nous dormions elle et moi dans la même chambre dans un autre bâtiment, chaque couple parental se trouvant à une extrémité du couloir.

M. et moi avons vite pris l’intéressante décision de pleurer de la même façon. Nos parents se levaient donc en alternance. Et si leur progéniture n’était pas à l’origine du raffut nocturne, ils braillaient « C’est à vouuus ! » avant d’aller se recoucher.

Presque 40 ans plus tard, cela les fait toujours beaucoup rire.

Je ne sais pas si M. et moi sommes aujourd'hui amies, ou même copines. Nous nous voyons peu et ne sommes plus très proches, parce que… la vie. Mais les retrouvailles sont, ont toujours été paisibles et confortables.

De loin en loin, elle reste « ma jumelle ».

jeudi 28 mai 2020

Adjectifs

Il y a peu ma mère nous as envoyé un paquet avec un kit de survie: des masques pour nous, et des livres pour le Moineau. Il y en avait des neufs, parce que ma mère a un rituel où elle envoie un petit bouquin par mois à ses deux petites filles (ses petits fils ayant respectivement deux et 7 mois, ils n'y ont pas encore droit, c'est trop injuste!). Et des vieux, à mon frère et moi, qu'elle a récupérés dans la bibliothèque "enfant" chez elle. J'aime bien lire mes livres d'enfance à ma fille, même ceux que je trouve, avec le recul, complètement cucul-la-praline. Dans le lot, il y avait ça:

LarousseToutPetits.jpeg, mai 2020

J'en gardais un très bon souvenir, et j'étais contente de le retrouver. Mais au delà de ça, on en fait lire quelques pages au Moineau le soir, et d'autres parfois dans la journée, et c'est un vrai vrai plaisir:

  • Premier dictionnaire! Dans une famille comme la sienne, ça compte.
  • Ca nous a permis de lui expliquer le principe de l'alphabet (elle commence à le connaître, mais là, elle a vu l'utilité de ranger les lettres dans un certain ordre. Que c'est pas juste une comptine, quoi..).
  • Les mots sont en majuscules (elle ne connaît pas encore toutes les minuscules).
  • Les majuscules sont accentuées (dans un bouquin qui a plus de 30 ans! C'est trop ouf.)
  • Y a des mots pas courants du tout, qui permettent à la fois que le Moineau soit obligée de les lire, et puisse difficilement les deviner, et qui viennent grossir son vocabulaire (qui est déjà pas minable, je vous prie de me croire.).
  • c'est l'illustratrice de Mimi Cracra, que j'aime beaucoup, et le Moineau aussi
  • C'est pas mal inclusif, y a beaucoup de filles, et plein de couleurs de peaux différentes
  • Les petites citations littéraires en dessous sont souvent très sibyllines, et un peu rien-à-voir. On pourrait croire que c'est un défaut, mais en fait, je me souviens avoir pas mal rêvassé et réfléchi sur ces petites phrases, et que ça nourrissait aussi mon imaginaire (celui du Moineau étant dopé aux amphétamines, je pense qu'elle y trouvera aussi son compte quand elle arrivera à les lire).

Là c'est celui des adjectifs (on n'avait que celui là à la maison), mais à la vitesse où elle l'avale, je vais ptet essayer de trouver les autres d'occas (je viens de voir qu'il y a les verbes, les noms propres, les adverbes, au moins)

(Voilà, et sinon, je m'étends pas pour pas vous saouler encore plus avec mon orgueil de mère, mais de jour en jour ma fille de 3 ans et 10 mois apprend goulûment à lire, et je suis tellement fière d'elle, et c'est tellement joli de la voir s'emparer de la lecture, et j'ai tellement hâte qu'elle puisse se plonger seule dans des histoires, et, et, et.. )

jeudi 21 mai 2020

Rêves

Le Moineau a pris l'habitude de nous raconter ses rêves (en général peuplés par ses amis imaginaires et autres personnages de films et de livres) dès son lever. Je voudrais les enregistrer, y a vraiment des perles. Avant-hier, elle avait rêvé du Virus. Il était tout vert et tout petit "comme le cœur de Te Fiti" (dans Vaiana).

Le coeur de Te Fiti dans les mains de Vaiana, mai 2020

Le virus était une fille, et elle était copine avec le bureau du Moineau. Le virus n'avait (évidemment) pas de bouche pour parler, alors c'était le bureau qui lui avait révélé cette amitié. Le bureau n'a pas de bouche non plus, mais il a des poumons magiques qui faisaient comme des tatouages et qui racontent des trucs. Le virus avait également un papa, qui était mort, parce qu'il ne mangeait rien, se privait de tout pour tout donner à sa fille.

Ce matin, elle a de nouveau rêvé de personnages Disney. Ce coup-ci, c'était Anna (de la Reine des neiges) qui était devenue méchante, et faisait peur à Elsa. Elle était méchante parce qu'elle avait rencontré un canard. J'ai demandé des précisions: en fait, c'était plus spécifiquement à cause d'un os de canard magique (l'os, pas le canard). Et à la fin, elle remettait l'os dans la peau du canard, et elle redevenait gentille.. J'ai demandé ce qu'elle, le Moineau, faisait dans l'histoire, elle m'a dit "Ben non, moi je dormais, j'étais pas dans l'histoire". Logique.

Cette gamine est exactement comme son père: des histoires plein la tête, toujours renouvelées. Ils ont une capacité qui m'épate à remodeler les intrigues, à faire des liens entre les personnages, à rebrasser, remélanger les structures narratives. Pour les amis imaginaires, c'est pareil, ils sont exactement sur le même modèle. Là par exemple, il s'est éclaté à faire un tournoi des héroïnes et héros de l'antiquité greco-latine sur Twitter, et pendant plusieurs jours, on a vraiment vécu avec Hercule, et Cadmos, et Penthesilée (en plus de la tripotée de potes invisibles du Moineau)...

J'en suis à me demander si on devrait pas encore prévoir une ou deux pièces de plus que ce qu'on avait pensé, dans notre prochaine maison, pour loger tout ce beau monde.

mercredi 29 avril 2020

L'enfant et la mort

Ma fille a 3 ans et demi. Donc, déjà, la mort, c'est un truc qui la travaille, depuis un petit moment. Et alors là, avec le confinement, et les trucs angoissants dont Nawimba et moi n'arrivons pas à nous empêcher totalement de parler, le sujet est au cœur de la majeure partie des histoires qu'elle se raconte. Et elle se raconte BEAUCOUP d'histoires, dans une journée. Elle est bavarde, elle a beaucoup d'imagination, et en ce moment, le moindre bout de quoi que ce soit, livre qu'on lui lit, vidéo de conte qu'elle regarde sur conseil de la maîtresse, bribe de discussion qu'elle chope en passant à côté de nous, est recyclé immédiatement. Les amis imaginaires (qu'elle tue et ressuscite allègrement depuis déjà longtemps..) se sont encore multipliés (un jour je vous les présenterai, ça fera un post à soi tout seul).

Et donc ce matin, cette perle. Elle appelle (sur son téléphone imaginaire) ses nouvelles copines (imaginaires) Morane (qu'elle prononce Mor-Anne) et Moriane, leur raconte sa vie, tout ça tout ça. Tout à coup je l'entends dire "Eh, mais Mor, tu sais, tu sais, Mor, Mor..." (comme font les enfants quand ils semblent tester une formulation, presque en goûter la saveur). Elle fait une pause, puis se tourne vers moi, et m'explique qu'elle est au téléphone avec Morane, et qu'elle l'appelle "Mor", parce que c'est son surnom (c'est nouveau). Et que là, la pauvre Mor, ça va pas trop, elle doit aller à son travail, alors elle a besoin d'être réconfortée.

Donc sa nouvelle copine imaginaire s'appelle littéralement "mort", et son problème principal, c'est qu'elle doit aller à son travail. Bon, on dira pas que le Moineau a pas compris les enjeux du moment, hein....

(Bon, rassurez vous, elle parle aussi de princesses, de super-héros, de cochons, de chevreaux, de sorcières, tout y passe, hein..)