jeudi 11 janvier 2024

Colère, colère, colère

Un thème récurrent dans ma vie ces derniers mois (ou deux dernières années, disons), est: la colère. Je me fous en rogne, ça monte très vite, et selon les cas, j'explose ou je suinte. Dans tous les cas, c'est désagréable, et les gens autour ne le vivent pas très bien. Moi non plus, notez bien.

Le truc c'est que je ne peux pas, pardon, je ne veux pas renoncer à ma colère. Une part de moi est en général très désolée pour les gens en face, sur le coup ou juste après. Mais là, tout de suite, je ne peux pas lâcher la colère.
Parce que ça fait 25 ans que je l'enfouis, que je lui refuse droit de cité. "J'aime pas me mettre en colère". "J'évite, parce que ça me coûte trop d'énergie". C'est des conneries, ça. Tu sais, ce qui m'épuise, en réalité? C'est de la contenir. Et tu sais pourquoi je la contiens? Pour protéger les autres, et pour me protéger moi. Parce que, très petite fille, j'ai identifié colère et violence. Je me suis imaginé que ma colère pourrait tuer, ou que je pourrais moi, littéralement, exploser sous son effet. J'ai des images très nettes de morcellement. À 40 ans, c'est encore assez flippant, enfant, ça devait être vraiment terrifiant, je suppose.
Sauf qu'en réalité, si je réfléchis deux secondes, je ne vais tuer personne (sans doute), et je ne vais pas partir en morceaux. En revanche, l'option "on va faire comme si ça existait pas tant que je ne suis pas complètement acculée, le dos au mur avec aucune autre issue que de me mettre en colère", elle, elle a un coût réel. Entre les cycles dépressifs récurrents depuis mes 13-14 ans, et l'anxiété croissante de la dernière décennie, l'addition commence à être sacrément salée.

Donc là, ça sort. Et ça sort notamment, devant le nez de gens que j'aime, qui ne comprennent pas toujours très bien d'où ça vient. Et qui ne trouvent sans doute pas très juste que je m'en prenne à eux, parce que "merde, on s'aime, quand même, tu peux pas t'en prendre aux connards qui peuplent le monde? Je me sens jugé·e, alors que tu sais très bien que je ne suis pas *comme ça*".

Mais voilà: les connards, j'ai jamais eu de mal à être en colère contre eux (de loin, en général). Et je ne me sens pas trahie par les connards, qui ne sont rien dans ma vie. Je me sens trahie, intensément trahie, comme une gamine de 3 ans, par les gens que j'aime fort et qui ont fait le choix INSENSÉ de ne pas être d'accord avec moi en permanence, et de ne pas vivre leur vie comme moi.
Voilà.
C'est nul. Je reconnais que c'est complètement crétin, que c'est excessivement puéril, mais là, tout de suite, c'est comme ça.
Je suis brassée par la remontée de la très petite fille et de l'enfant et de l'adolescente que j'étais, et qui ont toutes les trois appris à bien fermer leur gueule pour se conformer à ce qu'elles pensaient être attendu d'elles. J'ai passé des décennies à ne pas très bien savoir ce qui était moi, et ce qui était les autres, et ce qui était à moi et ce qui était aux autres.

C'est en train de bouger. Et c'est une putain de victoire, en fait.
Mais ça secoue quand même pas mal, et ça passe notamment (pas uniquement...) par la réappropriation de ma colère. MA COLÈRE À MOI.

Elle est moche: tant pis.
J'ai parfois tort: tant pis
Ça fait de moi une connasse hystérique et de mauvaise foi qui gueule pour des conneries: tant pis.
Je blesse les gens autour de moi...Tant pis. Une part de moi est en grosse panique à cause de ça ("Iels sont blessé·e·s et c'est ma faute"; "iels ne vont plus m'aimer"), et la dépression lutte souvent pour reprendre le dessus sur la colère, et arranger le coup, mais: TANT. PIS.

J'ai besoin de trouver une issue pour que ce truc sorte de moi, avant qu'il replonge sous la surface et que j'en reprenne pour 40 ans. J'ai assez confiance dans le fait que je vais trouver et que ça va se tasser. J'espère que je ne me serai pas mis la moitié de mes proches adultes à dos d'ici là (je précise "adultes" parce que pour le coup, j'essaye de moins exploser devant mes gamins, qui ont beaucoup encaissé l'an dernier).

Mais je traite les problèmes par ordre d'urgence. Et là, mon urgence, c'est moi.

dimanche 1 janvier 2023

Trop peu de pommes au pommier

De 2022, j'ai été tentée de dire que c'était une année sèche, une année à vide. Mais j'ai beaucoup pleuré, et beaucoup débordé.

Si je réfléchis trois minutes, je trouve plein de moments chouettes, de plaisirs, de jolies choses à regarder, quelques fiertés et auto-satisfactions, aussi. Mais le sentiment qui prédomine, pour cette année, est l'accablement.

Beaucoup de frustration, beaucoup de colère.
L'épuisement.
L'angoisse massive et répétée.
La dépression.

Dans mes relations familiales, professionnelles, amicales parfois. À cause de l'état du monde, aussi, qui me terrifie, et que je peine à tenir à distance.

Je garderai probablement de cette année le sentiment de la difficulté à communiquer, à me faire entendre et écouter, et sans doute aussi, à écouter les autres, parce que je n'ai plus l'énergie de le faire, et que cela s'est toujours beaucoup fait à mes dépens.
L'impression de ne plus avoir de marge du tout, que les réserves dans lesquelles je suis obligée de puiser depuis des années sont à sec. L'envie qu'on s'occupe de moi comme d'une très petite fille, ou de voir des gens et de laisser l'extérieur me donner du bien-être, ou au contraire d'envoyer bouler le monde entier, parce que j'en peux plus.

Mes rôles de mère, d'amoureuse, d'amie, d'enseignante, de responsable de département demandent que je m'occupe, que je prenne soin des autres. Je n'y arrive plus très bien. Et je ne sais ni comment y arriver à nouveau, ni comment réduire la voilure pour prendre soin de moi. J'ai passé le creux très creux de la vague en novembre, mais si rien ne change, je me retrouverai à suffoquer à la prochaine. Je ne regretterai pas 2022, mais je ne peux pas dire que j'aborde 2023 avec enthousiasme.

Je me cramponne, je crois, à ce qui m'apporte du plaisir. À ceux qui m'apportent du bien-être et de l'écoute, aussi. Au-delà de mes très proches, pas mal de monde sur les réseaux sociaux. Les remerciements adressés ci et là à ceux qui m'ont fait du bien avec leurs mots ne sont pas à la mesure de la gratitude que je ressens. J'espère que vous vous reconnaîtrez si vous passez par ici. Merci d'être là.

(Le titre de ce billet est une citation d'Anne Sylvestre. La chanson est écoutable ici)

dimanche 30 octobre 2022

Sagesse

Dans les derniers jours, j'ai été anxieuse à propos de:

  • mon lieu de travail
  • mes cours
  • mes réunions
  • mon article qui n'avance pas
  • mes vacances
  • l'idée de lire mes mails
  • l'idée d'ouvrir mon ordinateur
  • des désaccords avec des gens sur les réseaux sociaux
  • des trucs que j'ai dit sur les réseaux sociaux avec un peu plus de visibilité que d'habitude

Et puis hier, une fois couchée, alors que je réfléchissais à ce qui me stressait sur le moment, m'est revenue une phrase de mon beau-père (qui ne m'était pas adressée, mais qui fait son chemin quand même.):

"Eh, à la grande fête foraine de l'angoisse, t'es pas obligé de faire tous les manèges!"

Et, bon, l'angoisse, c'est justement le truc que tu contrôles pas, mais hier, l'affirmation m'a fait rire, et l'angoisse est redescendue d'un cran.

Si on m'avait qu'un jour je m'appuierais sur la sagesse de Beau-Papa pour réguler mon humeur...