Notre ville fait partie de celles concernées par cet article, qui indique que huit maires de Seine-Saint-Denis refusent de rouvrir les écoles maternelles et les crèches avant septembre. J'avoue qu'en l'apprenant, nous avons été plutôt soulagés, de ne pas avoir à décider si nous devions ou non renvoyer le Moineau à l'école dans quelques jours. Comme je l'écrivais sur Mastodon:
Spontanément j'aurais dit "non, c'est trop tôt". MAIS si je trouve qu'elle va trop mal à ce moment là, qu'elle a besoin de voir des gens, je pencherai sans doute plus vers le "oui". MAIS en même temps, j'estime qu'en Seine-Saint-Denis, on est vraiment pas prioritaires par rapport aux gens qui ont besoin de bosser pour pouvoir bouffer, ou aux gens qui virent dingues avec leurs mômes en appartement (on a un jardin, et je ne reprendrai pas les cours avant septembre). Donc ptet que je la garderai quand même au final. Je sais pas.
Pas de décision à prendre, donc. Et puis le soulagement aussi de pouvoir un peu plus se projeter dans la durée (je ne sais pas encore si Nawimba reprendra les cours, et si oui comment, et donc si je resterai à la maison seule avec les enfants ou non. Mais je sais au moins que les enfants sont chez nous, tous les deux, pour les 4 mois à venir (sauf renversement magistral de situation, pour la grande).
Cela dit, la maîtresse a demandé aujourd'hui sur le groupe whatsapp de la classe quels enfants reviendraient à l'école la semaine du 18. Apparemment, tant que la réponse du préfet n'est pas arrivée, ils font comme si les écoles allaient rouvrir.
Sauf que bien sûr, ça va vouloir dire: masques pour la maîtresse et idéalement pour les petits (quand je dis "idéalement"... oui, bon, on se comprend, hein). Pas de contacts entre les enfants. Pas de temps de regroupement sur les bancs. Pas de jeux ensemble à la récré, pas de vélos, pas de toboggan. Des tables espacées dans la classe. Pas de coins "jeux" (sinon il faudrait tout pouvoir désinfecter tout le temps). Pas de cantine, je suppose.
C'est au mieux irréalisable, et au pire, de la maltraitance psychologique. Ou l'inverse. (Je comprends bien qu'on ne puisse pas faire autrement et qu'il n'y a pas de bonnes solutions, hein. Juste, c'est nul.)
Donc voilà, même si l'école rouvre, elle n'ira pas. Pas dans ces conditions là. D'ailleurs le reste des parents est sur la même longueur d'onde. Très peu ont répondu que leurs enfants viendraient, pour l'instant. Je précise qu'évidemment, ce n'est pas toujours une question de choix: certaines personnes ne pourront pas faire autrement que de remettre leurs enfants à l'école. Mais pour nous, le seul avantage à l'y renvoyer était la sociabilisation. Si elle ne peut pas jouer, toucher, être proche de ses camarades... le jeu n'en vaut pas la chandelle.
Du coup on cherche des options. Peut-être va-t-on réessayer de proposer des appels en visio, même si les gamins de 4 ans ne sont pas très à l'aise avec cet outil... Peut-être, une fois que le confinement sera levé ou un peu adouci, pourra-t-on proposer à l'un ou l'autre des copains-copines du Moineau de venir faire des balades, dans la rue, en essayant que les gamins ne se touche pas trop trop, etc.
Et puis une autre idée qui se fait jour depuis quelques jours, et qui a pris corps aujourd'hui. L'appartement à côté de notre rez-de-chaussée est occupé par une famille avec une petite fille, qui doit avoir un an de moins que le Moineau. On ne les connaît pas bien, notamment parce qu'ils ne parlent quasiment qu'espagnol (ils sont colombiens, il s'agit de la famille du frère d'un de nos voisins co-propriétaires, qu'on connait beaucoup mieux, pour le coup. Il les héberge chez lui depuis quelques mois, et loge chez sa copine, qui possède un autre studio dans la copropriété).
On les entend, bien sûr, depuis qu'ils sont là, mais à part bonjour-bonsoir quand on se croisait dans la rue, on n'avait jamais vraiment entamé la discussion. Mais depuis quelques jours, la maman et la petite fille ont un rituel rigolo. Elles mettent un grand escabeau dans la cour pendant un quart d'heure en début de soirée, et se perchent ensemble sur la plus haute marche, pour regarder la rue. Et du coup, de chez nous, on voit leurs têtes dépasser au dessus de la barrière. Evidemment, ça a attiré l'attention du Moineau, qui s'est mise à avoir envie de les regarder sous différents angles (par les différentes fenêtres du rez de chaussée et du premier étage (la fenêtre de notre chambre surplombe leur cour..). J'ai essayé de freiner un peu en mode "c'est pas poli de regarder chez les gens", mais en fait, la curiosité du Moineau a fini par déclencher celle de l'autre petite fille, et ça a fait un peu boule de neige.
Du coup, quand j'ai croisé le regard de la dame tout à l'heure, j'ai fait coucou, et puis je suis sortie sur le pas de la porte avec ma fille, et on s'est toutes présentées. Et puis j'ai proposé que d'ici quelques jours, quand le déconfinement commencerait, la petite fille vienne jouer dans le jardin avec le Moineau. Ca me démangeait depuis quelques jours de leur proposer de profiter du jardin, mais je ne voyais pas trop comment garder ma fille dans la maison pendant que l'autre petite jouait. Le mieux est probablement qu'elles jouent quand même ensemble, et advienne que pourra. La maman m'a expliqué que sa petite avait repéré la maison en plastique du Moineau, et qu'elle avait très envie de venir dedans. J'ai aussi proposé de leur prêter une trottinette (mais elle en a déjà une). Donc d'ici dix jours, on devrait pouvoir mettre ça en route.
Le truc marrant, c'est évidemment que C. ne parle qu'espagnol (et la maman ne parle pas bien français non plus). Ce soir, j'ai fait à peu près la traduction (je comprends à peu près, mais je ne suis pas du tout capable de parler plus que deux trois bribes, non plus), et le Moineau était un peu frustrée de ne pas comprendre.
Mais bon, on se refait pas, hein: j'ai proposé au Moineau de profiter des 10 jours qui viennent pour apprendre un peu d'espagnol. Je vais chercher une appli ou un site pour enfants, et hop. En plus, elle commençait à se plaindre un peu du "travail d'école". On va intégrer ça dans la palette des choses à faire "pour le travail", ça va passer comme une lettre à la poste. Tout à l'heure, pendant que je changeais le bébé, j'entendais Nawimba lui apprendre à dire en espagnol "tu veux aller aux toilettes?". Ce soir, elle était déjà en train d'imaginer: "Avec C., on pourra lire des livres! et on pourra faire des piques niques dans le jardin!" Ca va être marrant, je pense.
Et ça me rassure un peu, de me dire que ces deux petites filles auront au moins un peu de compagnie enfantine de temps en temps, plutôt que d'être toutes seules chacune dans son coin, à tourner en rond dans sa maison entre ses parents. C'est un bon compromis, je pense. Il faut que le virus circule, mais ce sera relativement limité, et moins stressant que l'ambiance "distanciation sociale de psychopathe" à l'école. Ca me réconforte beaucoup, cette perspective...