dimanche 1 janvier 2023

Trop peu de pommes au pommier

De 2022, j'ai été tentée de dire que c'était une année sèche, une année à vide. Mais j'ai beaucoup pleuré, et beaucoup débordé.

Si je réfléchis trois minutes, je trouve plein de moments chouettes, de plaisirs, de jolies choses à regarder, quelques fiertés et auto-satisfactions, aussi. Mais le sentiment qui prédomine, pour cette année, est l'accablement.

Beaucoup de frustration, beaucoup de colère.
L'épuisement.
L'angoisse massive et répétée.
La dépression.

Dans mes relations familiales, professionnelles, amicales parfois. À cause de l'état du monde, aussi, qui me terrifie, et que je peine à tenir à distance.

Je garderai probablement de cette année le sentiment de la difficulté à communiquer, à me faire entendre et écouter, et sans doute aussi, à écouter les autres, parce que je n'ai plus l'énergie de le faire, et que cela s'est toujours beaucoup fait à mes dépens.
L'impression de ne plus avoir de marge du tout, que les réserves dans lesquelles je suis obligée de puiser depuis des années sont à sec. L'envie qu'on s'occupe de moi comme d'une très petite fille, ou de voir des gens et de laisser l'extérieur me donner du bien-être, ou au contraire d'envoyer bouler le monde entier, parce que j'en peux plus.

Mes rôles de mère, d'amoureuse, d'amie, d'enseignante, de responsable de département demandent que je m'occupe, que je prenne soin des autres. Je n'y arrive plus très bien. Et je ne sais ni comment y arriver à nouveau, ni comment réduire la voilure pour prendre soin de moi. J'ai passé le creux très creux de la vague en novembre, mais si rien ne change, je me retrouverai à suffoquer à la prochaine. Je ne regretterai pas 2022, mais je ne peux pas dire que j'aborde 2023 avec enthousiasme.

Je me cramponne, je crois, à ce qui m'apporte du plaisir. À ceux qui m'apportent du bien-être et de l'écoute, aussi. Au-delà de mes très proches, pas mal de monde sur les réseaux sociaux. Les remerciements adressés ci et là à ceux qui m'ont fait du bien avec leurs mots ne sont pas à la mesure de la gratitude que je ressens. J'espère que vous vous reconnaîtrez si vous passez par ici. Merci d'être là.

(Le titre de ce billet est une citation d'Anne Sylvestre. La chanson est écoutable ici)

vendredi 4 novembre 2022

1985-1986: Premiers souvenirs

Mon plus ancien souvenir date, je crois, de cette année-là.

Je suis chez mes grands-parents, dans une entrée assez sombre. Un escalier qui me semble très haut et très raide part sur ma gauche. Il y a peut-être une petite fenêtre en haut des marches. Et une porte en face de moi, je crois.

Je ne sais même pas si c’est mon souvenir que je raconte, ou le souvenir de mon souvenir. C’est en tout cas l’un des seuls souvenirs de ma très petite enfance qui ne soit pas imprégné d’une très forte émotion.

Dans un autre sans doute un peu plus tard, je cours pour rattraper mes grands-parents, qui m’ont un peu distancée sur une route. Je tombe, un caillou pointu m’entaille profondément le genou. J’ai sans doute pleuré, mais je ne m’en souviens pas. Juste de la course et de la chute.

J’ai toujours la cicatrice.

Dans un troisième, je cours, pleine d’allégresse, dans les coursives de l’Université Lyon II, où travaille mon père. Il m’y emmenait quelques fois, et je fréquentais de temps en temps la halte-garderie (oui, il y avait une garderie à Lyon II dans les années 80. Je ne sais pas si vous vous rendez-compte, je n’ai jamais revu ça dans aucune fac...)

J’ai eu quelques cours dans ces locaux, pendant mes premières années d’études. Mais le sentiment de familiarité que j’ai avec ces lieux, et l’affection que j’ai pour eux, date de l’époque où je n’avais aucune idée de ce qu’on y faisait. Il y avait juste de longues coursives vides, le soleil entre les barreaux des balustrades, les jardins.


Ma mère est enceinte de mon frère, cette année-là. Je n’en ai, pour le coup, aucun souvenir.

dimanche 30 octobre 2022

1984-1985: Jumelles

J’ai réalisé après avoir écrit mon premier texte que je n’y parlais presque pas de moi.
Mais moi, sans les souvenirs, c’est quoi ?
Des discours à propos de moi. Les mots des autres.

J’ai vécu mes premières années sur la colline de Fourvière, à Lyon. Mais mes parents rénovaient sur leur temps libre, une vieille maison en Isère, dans l’idée de s’y installer un jour. Il s’agissait d’un des bâtiments d’une vieille ferme, possédée par un couple de leurs amis. Les Blaches. On va aux Blaches.

Nous y passions donc souvent les week-ends et une partie des vacances, quand j’étais toute petite. J’ai beaucoup de souvenirs plus tardifs de cette maison, dans laquelle nous sommes souvent retournés même après que mes parents ont renoncé à leur projet. Elle est à l’origine de mon amour pour les vieilles baraques de campagne poussiéreuses, dont toutes les pièces sont pleines de bric et de broc et de vieux livres. Mais je n’ai pas de souvenir personnel de là-bas avant mes 4 ans.

J’en ai beaucoup entendu parler, en revanche. La famille des amis de mes parents étaient haute en couleur, et nombre d’anecdotes appartenant à la légende familiale datent de ce temps-là.

Une ambiance sonore. Le son des violons malmenés par les enfants qui débutaient. Les aboiements du montagne des Pyrénées de mon père, et de celui des amis. Les pigeons. Les déconvenues de mes parents, aussi, qui se formaient sur le tas à tout un tas de techniques manuelles et de bricolage, avec… plus ou moins de succès.

Les conneries des enfants, aussi. Les amis de mes parents avaient 6 enfants, tous un peu surdoués (ou beaucoup), tous musiciens. Tous un peu frappés, je crois. La cinquième d’entre eux, M., avait un mois de plus que moi. Quand nous étions aux Blaches, et tant que le bâtiment que mes parents rénovaient n’étaient pas terminé, nous dormions elle et moi dans la même chambre dans un autre bâtiment, chaque couple parental se trouvant à une extrémité du couloir.

M. et moi avons vite pris l’intéressante décision de pleurer de la même façon. Nos parents se levaient donc en alternance. Et si leur progéniture n’était pas à l’origine du raffut nocturne, ils braillaient « C’est à vouuus ! » avant d’aller se recoucher.

Presque 40 ans plus tard, cela les fait toujours beaucoup rire.

Je ne sais pas si M. et moi sommes aujourd'hui amies, ou même copines. Nous nous voyons peu et ne sommes plus très proches, parce que… la vie. Mais les retrouvailles sont, ont toujours été paisibles et confortables.

De loin en loin, elle reste « ma jumelle ».

mercredi 26 octobre 2022

1983-84: Au tout début

Je suis née.




Quatrième enfant de mon père, première enfant de ma mère.

S’interroger sur sa propre naissance, c’est toucher à quelque chose d’avant, qui n’appartient qu’à ses parents.

Du prologue, je ne sais évidemment que ce qu’ils m’ont raconté. Qu’elle pensait ne pas vouloir d’enfants, qu’elle avait peur d’être aussi toxique que sa propre mère. Qu’il a insisté, lui qui était déjà trois fois père, parce qu’il avait peur qu’elle regrette plus tard ce choix. Et qu’elle a accepté, à condition de prévoir deux enfants, parce qu’elle ne voulait pas condamner son enfant à être aussi solitaire qu’elle l’avait été elle-même. Deux ou rien, c’était le deal.

Ce que je crois, moi, c’est qu’il n’a pas eu trop de mal à la convaincre. Leur relation date de fin septembre 1981, et je suis née début juin 1983. Je ne sais plus quand j’ai fait le calcul, mais j’ai l’impression d’avoir toujours su que l’envie d’avoir des enfants pouvait venir vite, dans une histoire d’amour.

Je suis née d’une asymétrie, d’un père agé de quarante-cinq ans et d’une mère seize ans plus jeune. D’un père normalien, et d’une mère passée par un lycée agricole et une école d’assistante sociale. Sur le papier, c’était pas évident, cette histoire. Mais dans les faits, ça l’a été, évident, pour eux.

La légende familiale veut qu’ils aient été farfouiller dans un de ces bouquins recensant tout un tas de caractéristiques plus ou moins bidons sur les prénoms. Pour le mien, ça donnait :« Il faut s’occuper d’elle, sinon c’est elle qui s’occupe de vous, et c’est pire. » Ça les a apparemment décidés.

Ils m’ont donc prénommée. Et m’ont appelée ensuite, dès ma toute petite enfance, par un surnom que toute ma famille utilise depuis. Au point que j’ai mis plus de 25 ans à réussir à m’identifier, un peu, à mon prénom.

mardi 25 octobre 2022

Se reposer

"Repose toi"

"Il faudrait que vous fassiez du sport. Vous marchez, vous n'êtes pas sédentaire, mais il faudrait que vous fassiez du sport pour vous détendre."

"Allez marcher, faites des promenades."

"Faut faire du renforcement musculaire, pour ne plus te coincer le dos systématiquement."

Tout mon entourage familial, amical, réseau-social, médical, semble d'accord sur les solutions. Pour aller mieux. Il faut que je me repose, que je prenne du temps pour moi, que je lâche prise, que je fasse du sport.

J'entends bien. Je suis même d'accord sur le fond. Je voudrais juste bien savoir quand. Qui me libèrera du temps pour ça. Et qui me donnera le sentiment que je PEUX prendre ce temps, quand j'en ai besoin.

Il y a quelques semaines, j'ai dit non à un collègue qui me demandait de remplacer quelqu'un au conseil de laboratoire (mensuel). Ou plus exactement j'ai commencé à louvoyer, c'est le jour que j'ai bloqué pour la recherche, et j'ai mal au pied depuis des semaines, je ne peux pas promettre de pouvoir faire le trajet. Il m'a dit "D'accord. On n'est pas là pour esclavagiser les gens". J'en ai pleuré. Tellement c'est rare qu'un collègue entende et admette que je puisse dire non. Tellement c'est rare de ne pas avoir à batailler pour préserver dix minutes de mon temps.

La plupart de ces collègues ne sont pas d'horribles esclavagistes. Juste des gens eux-mêmes surchargés de travail. Qui veulent que la maison, les maisons en fait (le labo, la section, le département, l'établissement), tournent. J'en fait sans doute partie moi-même. Les mails jusqu'à minuit, les textos, les contraintes intenables, les délais, les transferts de charges administratives pour faire des économies de bouts de chandelles. Les collègues (souvent copains ou copines) qui me souhaitent du repos sont en partie les mêmes que celles et ceux qui font peser sur moi des contraintes. Et j'en fais peser sur eux aussi. Et chaque fois qu'un maillon lâche, la chaîne se tend pour tous les autres.

Mes enfants voudraient une maman qui crie moins, mais ont du mal à supporter que je puisse avoir besoin de temps sans eux. Ça peut se comprendre: ils ont 3 et 6 ans, et sont déjà assez autonomes. Objectivement, ils ne sont pas tout le temps sur mon dos, ils se gèrent pas si mal. Ils ont juste un sixième sens pour se coller à moi dans les moments où je suis sur le point d'exploser.

Je le sais bien que c'est difficile de demander à des enfants de se passer de leur mère.


Mon amoureux m'encourage à me reposer, à prendre du temps pour moi. Il prend tant d'heures par semaine pour ses besoins à lui, je devrais faire pareil. On s'arrangera. Mais dans les deux jours qui suivent la conversation, deux preuves éclatantes que dans les faits, ça n'est pas possible. Et une semaine plus tard, rebelote pour l'organisation des vacances. Il faut aller quelque part, et faire quelque chose ensemble, quand je voudrais juste pouvoir dormir toute la journée.

Lui aussi est au bout du rouleau, je le sais bien. Je le sais bien que si je m'arrête, tout lui retombe dessus. Il a besoin aussi de certaines choses, pas les mêmes que moi. Bon.


Alors moi, je veux bien, réorganiser mes routines de travail dysfonctionnelles. Arrêter de consulter mes mails au petit matin, tard le soir, le week-end. Prendre des anxiolytiques le temps que la vague passe. Retourner voir une psy moins d'un an et demi après avoir arrêté l'analyse. Faire trois-quatre dessins et deux balades pendant mes trois semaines d'arrêt.

Mais je voudrais qu'on arrête de faire semblant. De prétendre qu'il suffit que JE prenne soin de moi, et que le monde acceptera de se réorganiser autour de moi. Que je peux bosser uniquement à des horaires décents et abattre le travail attendu de moi. Que je peux dormir quand j'en ai besoin. Sortir et voir des gens quand j'en ai besoin. Être seule quand j'en ai besoin. Prendre des vacances vraiment reposantes pour moi. Ne recevoir des gens chez moi que quand je suis en état de les accueillir.

Qu'on arrête de faire comme si le temps était extensible.

Qu'on arrête de me dire de prendre soin de mon corps qui fout le camp par tous les bouts, comme s'il encaissait pas en continu depuis 12 ans le stress, la fatigue, les grossesses et fausses-couches, les déménagements. Comme si c'était juste moi qui le bichonne pas assez.

Et qu'on arrête de faire comme si c'était un problème individuel, et non pas social. Personnel, et non pas global.

"Fais du sport, ça ira mieux".

Allez vous faire voir, en fait.

jeudi 5 mai 2022

Bercail

Quatre jours chez mes parents, sans Nawimba ni les enfants.


Trajet tranquille. Une chanson dans la tête, tant d'années plus tard.

Retrouvailles.

L'odeur de la lessive de ma mère. La saveur des choses pas goûtées depuis longtemps.

Nuits hachées. Tirer sur la corde. Tirer, tirer, tirer.

Des fleurs, la végétation. Folle puis moins folle. L'explosion, les couleurs. L'odeur de menthe sur mes doigts.

Des nouvelles des oiseaux du coin et des souvenirs des amis lointains.

La création débridée des deux dernières années. Du beau. Du caché. Des boites dans des boites, des plis dans des plis. L'os dans l'ocre, l'or dans l'encre.

Beaucoup de mots.

Lui. Lui. Elle. Eux. Lui et sa toute petite aussi.

La lumière dans les peupliers. Le bruit de la chute d'eau.

Lâcher prise. Soupirer. Rire.

Épuisée. Et plus sereine que je ne l'ai été depuis des semaines, après ce retour au bercail.

vendredi 3 décembre 2021

Complicité

Depuis deux-trois semaines, la complicité entre le Moineau et l'Etourneau s'est énormément développée. Ils jouent plus ensemble, ils rigolent énormément, ils font les andouilles, et du coup... se liguent contre nous. Dans le bain, par exemple, ça fait plusieurs fois qu'ils se mettent à fronder ensemble pour ne pas se laver, la grande encourageant le petit à se rebeller (j'adore..).

Et donc ce soir... j'avais pris soin d'annoncer 5 minutes avant que je venais les laver. J'entre dans la salle de bain, et le Moineau se place en travers de la baignoire, abritant le ptit corps de son frère derrière elle, les bras bien écartés, en me déclarant à plusieurs reprises d'un air très vindicatif "C'est MON frère! C'est MON frère". Je confirme que c'est son frère, et au bout d'un moment elle ajoute: "Je le sauve! Je le sauve, mon frère!"

"Eh, euh, du coup... toi? c'est qui qui te sauve?"

Elle a baissé les bras à toute vitesse, s'est décalée vers l'autre bout de la baignoire, et s'est mise à crier "Tu laves Étourneau d'abord! Étourneau d'abord!"

Ouais, parce que la solidarité avec les plus faibles, ça va bien 5 minutes, hein...

mercredi 10 novembre 2021

Dessin

J'ai grandi avec une maman artiste. Quand j'étais petite, elle peignait, sculptait, modelait. Plus tard, elle a fait de la broderie, de la photo, des bijoux, a travaillé le cuir, et des dizaines d'autres trucs. Touche à tout. Avec la peinture, toujours, en toile de fond. Ça a eu quelque chose d'inhibant pour moi, mais en même temps, au passage, elle m'a appris plein de petits trucs. Et si je ne me suis pas toujours autorisée à me sentir douée, elle m'a donné quand même envie de tenter plein de trucs. Quand j'étais ado, elle organisait tous les deux-trois ans "la semaine de la création", une semaine pendant laquelle des gens de la famille et des amis étaient invités à venir tester plein de techniques tous ensemble. Elle mettait son matériel à disposition de tous, et des conseils aussi... Linogravure, argile, sculpture sur béton cellulaire, pastel, fusain, sanguines, crayon, acrylique, aquarelle. Une fois ma cousine est venue avec son tour de potier. Une autre mon frère a fait une initiation au logiciel Blender. Une année, ça a été orienté plutôt vers les arts de la scène (je l'ai ratée, j'étais au Vanuatu..).

Bref. Ma mère m'a permis de toucher à plein de choses, l'air de rien. Et en ayant l'impression de ne rien savoir faire,.. ben j'ai fait des trucs. J'ai peint un peu. Dessiné beaucoup. Eu une grosse période "pastels à l'huile", et une plus brève "pastels secs". Et puis, plus rien pendant longtemps. Il peut se passer des années sans que je prenne un pinceau ou un crayon, réellement.

Il y a quelques mois, j'ai bloqué sur une photo de mon fils, et gribouillé un portrait sur un bout de feuille de brouillon. Et la bouille du gosse est sortie vraiment bien, et j'ai eu un petit moment de satisfaction intense. Mais je n'ai pas repris.

Etourneau, avr. 2021

Et puis, depuis la rentrée, ma fille s'est mise à dessiner beaucoup. Parfois une quinzaine de dessins par jour. Et à se plaindre de ce qu'elle faisait. Alors je lui ai donné un ou deux conseils. Son oncle est passé un soir et a passé un moment avec elle aussi à lui montrer comment rectifier certains trucs. J'ai trouvé ça trop chouette de la voir d'un coup progresser.

La semaine dernière, j'ai fait un saut chez mes parents, et j'ai feuilleté mes vieux cartons à dessins. Y avait des trucs pas mal. J'ai pris quelques photos à l'arrache. Mais surtout, ça m'a donné envie de reprendre pour de vrai.

Alors à notre retour, le Moineau et moi, on s'est installées ensemble pour dessiner. On a décidé de dessiner les mêmes choses. Un petit moulin en faïence que j'ai dans mon bureau. Et une façade d'immeuble inventée. Les siens étaient tous dynamiques, avec plein de détails. Et aujourd'hui, elle a dessiné des super-héroïnes avec son père. J'ai regardé ses dessins, et d'un coup je me suis dit: "Mais là, en fait, on sort de cette période où on la regardait passer tranquillement les différentes étapes du développement enfantin, les types de bonshommes, tout ça. On arrive au moment où ma fille développe un truc à elle. Où elle se fait la main et l’œil. Où ses dessins me rendent heureuse, pas parce que c'est des dessins de grande, mais parce qu'elle prend sa façon à elle de dessiner."

Supergirl, par le Moineau, nov. 2021

Et en arrière-plan, cette émotion un peu floue, mais assez intense en fait, en pensant que je pourrais, peut-être, si elle a envie, lui transmettre des choses dans ce domaine. Ça a l'air de rien, ça, hein. Mais en fait, c'est énorme. Et ça me prend complètement par surprise. Et c'est trop bien.

vendredi 14 mai 2021

Une rencontre, enfin

Nawimba a deux frères, de deux et quatre ans plus jeunes que lui. Ils ont vécu très différemment la naissance du Moineau, première fille du frère aîné. Le plus âgé des deux était enthousiaste, l'a portée, y compris en écharpe, l'a bercée, nourrie à la cuillère, a joué et parlé avec elle, beaucoup. Il n'a pas d'enfants, et il en voudrait, très fort, je crois. On n'en parle pas beaucoup.

Quand il a su qu'on venait vivre à 10 minutes de son boulot, il a mis une option sur la sortie d'école du Moineau, une fois par semaine. J'ai sauté sur l'occasion!

Le frère cadet de Nawimba, pendant des années, était beaucoup plus sur la réserve. Il refusait de porter le Moineau petite, il avait très peur de lui faire mal. Une fois, je suis arrivée et l'ai trouvé, seul avec elle dans les bras, tétanisé. Nawimba la lui avait collé dans les bras le temps d'aller faire un truc dans la cuisine. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi immobile... Il n'a jamais tellement joué avec elle, ne l'a jamais beaucoup taquinée. Il lui disait gentiment bonjour, et au revoir, et puis voilà. On n'a pas forcé, on s'est dit qu'entre ses angoisses, et le fait qu'elle le délogeait un peu de la place du petit dernier de la famille, il ne fallait pas le brusquer.

L'Etourneau est arrivé trois ans plus tard, et les choses, déjà, étaient plus détendues. Un peu, mais pas beaucoup. J'ai un souvenir de ce tout petit garçon, assis entre ses deux oncles sur le canapé, après le confinement, l'an dernier, et de m'être dit "Tiens, une image qu'on n'aurait pas eue pour la première bébée...".

Depuis quelques semaines, le frère cadet de Nawimba vit dans notre nouvelle maison. Ça nous arrangeait qu'elle ne soit pas vide pendant des mois avant notre emménagement, et ça l'arrangeait d'avoir un point de chute, à ce moment là. On se voit le week-end, c'est sympa. Et je le regarde vivre avec les enfants. Les observer, très précisément, comme s'il les découvrait, d'un coup, avec beaucoup d'attention. Il s'est émerveillé l'autre jour que l’Étourneau (18 mois, quand même), sache toucher les différentes parties de son visage si on les lui annonce (Ce qui me fait rigoler, parce qu'à 18 mois, le Moineau avait quelque chose comme 200 mots de vocabulaire actif, dont un grand nombre de parties du corps. Et il la voyait tous les week-ends...)

Il garde un œil vigilant sur lui, le suit discrètement quand il part faire le tour du jardin tout seul, en vacillant sur ses deux petites jambes flageolantes (tandis que ses parents épuisés ne réalisent même pas, une fois sur deux, que leur rejeton se fait la malle).

Et puis l'autre jour, il a emmené le Moineau au grand parc d'à côté. Il se sont perdus, et sont revenus tranquillement 15 minutes après le couvre-feu. Il avait essayé de la porter pour aller plus vite, mais m'a dit qu'il n'avait pas très bien su comment la prendre (tu m'étonnes... elle déborde de partout, ma grande gigue de 4-ans-presque-5). Le lendemain, on la lui a laissée deux heures pendant qu'on allait faire une course avec le bébé. Ils sont allés à la boulangerie, se sont re-perdus, et ont fait le tour du quartier. Il la laisse de temps en temps toucher son piano. Il s'affole quand le bébé la tape, désemparé de ne pas savoir comment intervenir..

Il lui dit de finir son assiette quand elle parle trop, lui qui est toujours le dernier à terminer la sienne, parce qu'il ne peut pas manger tant qu'il n'aura pas épuisé les mille questions qui l'agitent (et d'un coup, d'un coup, je vois l'immense ressemblance entre ces deux là, qui ne m'avait jamais frappée).

Il s'étonne à voix haute qu'elle l'aime, alors qu'il n'a "vraiment rien fait pour" (sans se rendre compte que les hommes qui ne cherchent pas à forcer son affection sont justement ceux en qui le Moineau a le plus confiance...).

Il parle beaucoup d'eux à ses parents, qui sont au courant de tous les petits détails les concernant, par son entremise.

Il appelle l’Étourneau "mon grand" et le Moineau "ma puce".

C'est terriblement émouvant de regarder ce grand-ancien-petit-garçon s'installer tout à coup dans sa place d'adulte, au contact de mes deux piou-pious, qui eux, trouvent ça parfaitement naturel.

dimanche 2 mai 2021

Se cramponner aux petites satisfactions

Beaucoup de choses merdiques dans ces derniers jours. Célébrons donc les choses qui ont BIEN marché...

- On a fêté l'anniversaire de Nawimba, qui a eu l'air content de ses cadeaux...
- J'ai rebouché beaucoup de fissures sur les murs du salon. Chaque petite étape nous rapproche du moment où cette pièce sera repeinte et meublée (On ne peut faire que très peu de choses à chaque fois qu'on passe dans la maison, la pièce est grande, c'est long, mais on essaye de pas se désespérer).
- Nawimba a réussi à nous concocter un repas sympa hier soir alors qu'il n'y avait pas grand chose dans les placards et que 1er mai oblige, c'était difficile de faire des courses.
- Les enfants dorment très bien dans la nouvelle maison. Grosses nuits pour les deux, grosses siestes pour le bébé.
- Ils y jouent aussi très bien. Ils se disputent plutôt moins, et on peut les laisser tous les deux en autonomie dans la salle de jeu pendant un long moment, et ça soulage.
- Après des heures à chercher, Nawimba a réussi à localiser l'endroit où la ligne téléphonique arrive dans la maison. Il nous fallait impérativement l'info pour l'arrivée du technicien de la fibre ce jeudi.
- La première rose du jardin a éclos, elle est belle, et elle sent merveilleusement bon (le litchi). Il reste trois ou quatre rosiers dont j'ignore la couleur...

Première rose de mon jardin, mai 2021

- Les orangers du mexiques embaument aussi au fond du jardin.
- J'ai collé des petits patins sur différents placards que l'Etourneau aime claquer: ça fait moins de bruit.
- On a monté un petit meuble à l'étage, ça nous a permis de faire une table à langer correcte pour l'Etourneau, on en avait marre de se péter le dos à le changer par terre.
- Ma belle-mère m'a apporté une grande caisse en plastique où j'ai pu FOUTRE ENSEMBLE TOUS CES PUTAINS DE PLAYMOBILS REPARTIS PAR SES SOINS DANS TROUZE MILLE SACHETS ET MICRO-BOITES (les chapeaux ensembles, les armes ensembles, les chevaux ensemble, les ustensiles de cuisine ensemble, etc.. j'aime énormément ma belle-mère, mais on n'a pas les mêmes techniques de rangements de jouets).
- Le Moineau a pris un bain seule (on n'a pas de baignoire dans l'ancienne maison), s'est lavée et a shampooiné ses cheveux seule. Je n'ai eu qu'à rincer, et à m'occuper de la sortie. Même quand elle s'est mis du savon dans l’œil, elle a résolu le problème toute seule. LE. PIED. (Sérieusement, je chouine régulièrement sur ma nostalgie des tous petits bébés que je ne porterai plus dans mon ventre et contre moi gnagnagna, mais les enfants grands, quel bonheur aussi...).

Bon, et puis les petits mots gentils de plein de gens sur twitter, vendredi soir et samedi matin, pendant et après ma grosse déprime. Je repense à mon psy qui me disait il y a quelques mois que ce qui se passait en ligne ne relevait pas d'une vraie sociabilité. Je n'aurai jamais pu le convaincre du contraire, mais je m'en fous bien, parce que moi, je sais. Heureusement qu'il reste ça, et vous, dans cette période merdique, quand même...

mercredi 2 décembre 2020

Un problème, une solution

J'ai craqué, l'autre jour. Ça faisait plusieurs fois que je disais au Moineau de ranger, que j'en avais marre d'éviter les jouets dans le chemin, que c'était dangereux, qu'on pouvait glisser et se faire mal (elle le sait, d'ailleurs, ça lui arrive bien plus souvent qu'à moi, vu qu'elle regarde pas du tout où elle met les pieds). Qu'on risquait de casser des jouets. Que l’Étourneau risquait de les mettre à la bouche, de déchirer des morceaux, ou d'en perdre. Que j'en pouvais plus de vivre dans le bordel. Que je voulais que l'espace commun soit dégagé avant le repas.

Et que ça n'avait aucune espèce d'effet.

Alors j'ai attrapé un sac poubelle, et j'ai commencé à enfourner tout ce qui traînait dedans. Crise mémorable de la gamine, évidemment. Du coup, au bout de quelques minutes de hurlement, quand tout a été ramassé, j'ai dit que je n'allais pas jeter le sac. Pas tout de suite en tout cas.

Mais que je voulais qu'on trouve une solution ensemble. Parce que les solutions concernant le bordel chez nous, je m'évertue depuis des années à en trouver, en pure perte. J'ai des idées, je les mets en place, j'organise tout très bien.... toute seule... et comme je suis la seule dans l'histoire, personne d'autre que moi n'en a rien à secouer.

Donc j'ai dit que je voulais que les idées viennent de quelqu'un d'autres, parce que je ne voyais pas comment les impliquer autrement. La môme a continuer à renifler et chouiner, sans trop moufter. Je suis sortie de la crise avec un sentiment de frustration un peu désespérée.

Le lendemain, sur le chemin de l'école, elle m'a dit "Tu sais, la maîtresse, elle nous met une musique! Pour ranger!"

Alors depuis quelques jours, on fait ça. Un peu avant l'heure du repas, on met de la musique qui bouge, et on range. Tous ensemble. Enfin tous ceux qui sont là. Le bébé fait même parfois sa part, même si ce n'est pas très efficace. Et on danse tous ensemble en même temps. En général il nous faut une chanson et demie pour tout ranger. Moins de 5 minutes. Alors que normalement, il faut un temps infini pour obtenir que trois cubes et deux fruits en plastiques rejoignent leurs caisses respectives.

Ça marche vraiment très bien. Pour l'instant. Je sais bien qu'il ne faut pas crier victoire trop vite. Mais tout répit est bon à prendre, je ne crache pas dans la soupe. Et je suis vraiment contente que la solution soit venue d'elle. Ca lui fait du bien, je pense, et ça la motive d'autant plus.

Prochaine étape: obtenir que Nawimba jette les couches sales au lieu de les laisser traîner là où elles ont quitté les fesses enfantines. On y croit.

vendredi 16 octobre 2020

Etourneauversaire

L'Etourneau, alias Jean-Crado, alias Terminator, alias Attila, alias (en vrac) bibou, didou, lilou, pipou, L'Etourneau, donc, aura un an ce soir (à 21h26, soyons précis).

Il a toujours ses grands yeux et ses grands cils, toujours pas beaucoup de cheveux, toujours un sourire des plus canailles. Toujours tout mince et très tonique. Très grand et très petit, évidemment. Il aime bouffer, parler, sucer son pouce, jouer avec sa sœur, tirer les cheveux de sa sœur, escalader tout ce qu'il trouve, ouvrir les portes petites et grandes, vider les placards, les étagères, les boites, le bureau de sa mère. Parfois aussi il remet des trucs à leur place, mais c'est malheureusement beaucoup plus rare. Il aime aussi les roues, les lunettes, les guilis, les bisous-prouts, la musique en général, et les chansons en particulier (il commence à se dandiner en rythme, c'est excessivement choupi), les livres.

C'est un petit garçon sociable, très rigolu, en général de bonne humeur. Un peu plus rouspéteur que quand il était tout petit, quand même, mais comme il part de très loin, il a de la marge avant d'être taxé de "gamin relou".

Il ne marche pas encore, mais tient très bien debout et se déplace extrêmement rapidement.

Il dit quelques mots reconnaissables, et un certain nombre de trucs qui ont l'air d'être des mots (forme très répétitive), mais dont on identifie pas le sens. Dans ce qu'on comprend, "donne" est le plus saillant, ces derniers jours ("ça! donne!").

Ces dernières semaines, il a testé et kiffé: la raclette, les makis végétariens, la soupe, les fajitas, le fromage qui pue. On aura eu beaucoup de chance avec nos deux enfants, de ce point de vue là (par contre, entre lui et sa soeur, l'endroit où on mange est une zone sinistrée trois fois par jour.)

Cette première année aura été étrange, même s'il ne rend évidemment pas compte. Il fait partie de ses bébés qui n'auront vu les gens extérieurs à son cercle familial (+ nounou) que masqués. Contrairement à d'autres qui étaient un peu plus grands en mars, et qu'on sent encore inquiets quand débarque une personne masquée, l'Etourneau n'a aucun problème avec ça.

Les premiers mois d'un bébé, c'est toujours un peu étrange, du point de vue du temps, je pense. Il y a toujours une espèce de distorsion, entre le "ça fait tellement peu de temps qu'on est ensemble qu'on est obligé de se découvrir encore beaucoup", et le "il s'est passé tellement de choses depuis la naissance, ohlala on dirait que ça fait des siècles".

La crise sanitaire et le confinement ont encore accentué ce truc-là, pour moi. J'ai du mal à croire qu'il n'a qu'un an, et j'ai en même temps l'impression qu'il me manque un morceau d'année, qu'il ne peut pas avoir déjà un an. Et la tristesse toujours que mes proches ne le voient pas vraiment grandir, au quotidien.

J'alterne aussi entre la joie de le voir grandir et progresser (et le soulagement de pouvoir se débarrasser petit à petit des fringues de bébés et du matériel de puériculture encombrant) et un peu de nostalgie, à l'idée que voilà, la période de fusion avec un nourrisson, c'est bel et bien fini. Il est déjà bien parti sur le chemin de l'enfance, en route pour devenir un petit garçon. Je n'allaite quasiment plus, non plus (il fait en général 2 minutes de tétée le matin le temps que son père arrive avec le biberon, et n'hésite pas une seconde entre le sein et le biberon quand il a le choix :D). Ça aussi, c'est à peu près terminé, "pour toute la vie", comme dirait le Moineau. Ça marque la fin d'une période, un peu entrecoupée, mais finalement assez dense, qui dure depuis juillet 2015: le temps où mon corps a été mis à contribution très directement pour fabriquer et nourrir des bébés (ne nous leurrons pas, il va rester encore assez longtemps à disposition de mes enfants grandissants, il les portera, sera escaladé et un peu malmené pendant encore quelques années. Mais ce n'est pas tout à fait pareil).

Une année à 4, déjà. Ca me paraît surréaliste. Mais pas à lui, hein! Lui, il avance d'un pas décidé (bien qu'un peu vacillant, encore..), et il ne se laissera ralentir par rien. En route vers la suite, hop, hop, hop!

samedi 6 juin 2020

Imitations

A quelques heures de distance, l'autre jour:

Le Moineau déclarant: "J'ai une fille elle s'appelle Niña. Avant, c'était "Nenaü", mais y a le "e" et le "u" qui se sont perdus, et y a un "i" qui s'est rajouté, et ça donne "Niña" ". Cette enfant n'a pas quatre ans, et elle fait de la pseudo-linguistique historique. Je me sentais un peu "coupable" parce que je lui avait expliqué l'avant-veille pourquoi "vingt" avait gardé un G et un T bizarre à la fin, et fait l'évolution historique du latin "viginti" au français "vingt". Deux minutes plus tard, Nawimba me confesse que de son côté, il lui a expliqué que "filius" avait donné "hijo" en espagnol. On est irrécupérables, et on va créer un monstre (un monstre mignon, quand même).

L'Etourneau se met maintenant facilement sur le ventre, et attrape de plus en plus tout ce qu'il trouve, notamment les jouets de sa sœur, évidemment. Depuis quelques jours, on lui donne d'ailleurs nous-mêmes des personnages Duplo quand on a pas ses jouets à lui sous la main. Et à un moment, je le vois donc, allongé sur le ventre, sur le tapis à côté du , quiMoineau, qui jouait tranquillement avec ses Duplo et ses playmobils. Il avait lui aussi un bonhomme Duplo dans chaque main, et au lieu de juste les mettre à la bouche, il les frotte l'un contre l'autre. Et puis il s'interrompt, tord la tête vers la gauche dans l'exact mouvement qu'a un collégien pour apercevoir ce que son camarade est en train d'écrire sur sa copie. Il observe sa sœur quelques secondes. Puis revient à ses bonshommes et les frotte de plus belle, en reproduisant ce qu'elle est en train de faire. Il est littéralement en train d'apprendre à jouer en la regardant. C'est évident, hein, que les cadets apprennent en regardant les aînés. Mais le voir comme ça pour la première fois (ou seconde, parce que j'avais déjà remarqué qu'il imite certaines de ses intonations parfois), c'est assez émouvant, je dois dire.

Ca pousse, ça pousse.

jeudi 28 mai 2020

Adjectifs

Il y a peu ma mère nous as envoyé un paquet avec un kit de survie: des masques pour nous, et des livres pour le Moineau. Il y en avait des neufs, parce que ma mère a un rituel où elle envoie un petit bouquin par mois à ses deux petites filles (ses petits fils ayant respectivement deux et 7 mois, ils n'y ont pas encore droit, c'est trop injuste!). Et des vieux, à mon frère et moi, qu'elle a récupérés dans la bibliothèque "enfant" chez elle. J'aime bien lire mes livres d'enfance à ma fille, même ceux que je trouve, avec le recul, complètement cucul-la-praline. Dans le lot, il y avait ça:

LarousseToutPetits.jpeg, mai 2020

J'en gardais un très bon souvenir, et j'étais contente de le retrouver. Mais au delà de ça, on en fait lire quelques pages au Moineau le soir, et d'autres parfois dans la journée, et c'est un vrai vrai plaisir:

  • Premier dictionnaire! Dans une famille comme la sienne, ça compte.
  • Ca nous a permis de lui expliquer le principe de l'alphabet (elle commence à le connaître, mais là, elle a vu l'utilité de ranger les lettres dans un certain ordre. Que c'est pas juste une comptine, quoi..).
  • Les mots sont en majuscules (elle ne connaît pas encore toutes les minuscules).
  • Les majuscules sont accentuées (dans un bouquin qui a plus de 30 ans! C'est trop ouf.)
  • Y a des mots pas courants du tout, qui permettent à la fois que le Moineau soit obligée de les lire, et puisse difficilement les deviner, et qui viennent grossir son vocabulaire (qui est déjà pas minable, je vous prie de me croire.).
  • c'est l'illustratrice de Mimi Cracra, que j'aime beaucoup, et le Moineau aussi
  • C'est pas mal inclusif, y a beaucoup de filles, et plein de couleurs de peaux différentes
  • Les petites citations littéraires en dessous sont souvent très sibyllines, et un peu rien-à-voir. On pourrait croire que c'est un défaut, mais en fait, je me souviens avoir pas mal rêvassé et réfléchi sur ces petites phrases, et que ça nourrissait aussi mon imaginaire (celui du Moineau étant dopé aux amphétamines, je pense qu'elle y trouvera aussi son compte quand elle arrivera à les lire).

Là c'est celui des adjectifs (on n'avait que celui là à la maison), mais à la vitesse où elle l'avale, je vais ptet essayer de trouver les autres d'occas (je viens de voir qu'il y a les verbes, les noms propres, les adverbes, au moins)

(Voilà, et sinon, je m'étends pas pour pas vous saouler encore plus avec mon orgueil de mère, mais de jour en jour ma fille de 3 ans et 10 mois apprend goulûment à lire, et je suis tellement fière d'elle, et c'est tellement joli de la voir s'emparer de la lecture, et j'ai tellement hâte qu'elle puisse se plonger seule dans des histoires, et, et, et.. )

mardi 5 mai 2020

Ribambelle d'amis

Le Moineau a des amis imaginaires depuis un peu plus d'un an. La première est apparue pendant mon deuxième mois de grossesse, environ 3 semaines après qu'elle a compris (seule) qu'un deuxième bébé était en route. Et a presque magiquement réglé les crises que cette nouvelle avait fait naître. On se faisait juste un peu engueuler parce qu'on s'asseyait sur sa copine invisible. Cette première copine n'avait pas de nom, elle s'appelait "ma copine imaginaire". Un mois après, elle a été rejointe par un "copain imaginaire". Encore un mois après, il y a eu "David" (c'est le prénom d'un petit garçon qui avait été gardé avec elle quelques mois chez la nounou quand elle était toute bébé). Encore un mois après, Pikachu les a rejoints (je ne sais pas si Pikachu est un pokémon, ou un humain...).

Pendant un bon moment, elle est restée avec ces quatre là. David mourait régulièrement, et ressuscitait. La copine et le copain imaginaire avaient chacun un papa décédé (je me rappelle la première fois que le papa de la copine imaginaire est mort: le Moineau en sanglotait presque dans la rue. Top ambiance). La copine vivait avec nous, les autres rentraient chez eux le soir.

A l'entrée à l'école, les amis imaginaires se sont fait plus discrets. Moins besoin, sans doute, et puis les copains d'école fournissaient déjà bien suffisamment d'histoires et de questionnements. Après la naissance de l’Étourneau, un nouveau est apparu dans la bande: Mohamed (du nom d'un petit garçon qui dormait à côté d'elle au dortoir, mais qui n'était pas dans sa classe). David, lui, à ce moment, était définitivement mort. Mohamed est très vite devenu inséparable de Pikachu. Y avait d'ailleurs un truc marrant, dans cette paire, qui était reflétée par une paire de poupées: sa première poupée, qui s'appelait originellement "Poupée" s'est mise à s'appeler "Jeanne" (comme un personnage de Tchoupi), et une autre qui n'avait pas de nom s'est mise à s'appeler "Léa" (comme une petite fille de l'école qui souffle un peu le chaud et le froid, et change d'avis de minute en minute sur le degré d'amitié qu'elle entretient avec le Moineau). Donc y avait "Mohamed et Pikachu", et "Jeanne et Léa". A chaque fois, un personnage de fiction, et une personne réelle.

Au début du confinement, on en était là.

Et là, d'un coup... Elle s'est mise à intégrer à sa liste d'amis imaginaires TOUS les personnages féminins (et deux masculins) des films et dessins animés qu'elle voyait. Au rythme d'un film par semaine environ... Actuellement, si je ne me trompe, il y a:

  • Pikachu,
  • Mohammed,
  • Elsa,
  • Anna,
  • Vaiana,
  • Belle,
  • Chiita,
  • Satsuki,
  • Mei,
  • Kiki,
  • Heidi,
  • Peter,
  • Karl,
  • Teresa,
  • Clara.

Et puis Moriane et Mor-anne. Et la copine imaginaire, qui depuis quelque temps porte comme prénom le surnom du Moineau, au cas où on aurait pas pigé l'identification. (Plus de trace du copain anonyme, par contre). Comme elle éprouve le besoin d’égrener la liste toutes les trois phrases, je commence à bien les connaître. Ils sont princesses, sorcières, héros, enfants, adultes, morts ou vivants, mortels ou gentils.

Ils sont un peu multi-usages. Parfois, j'ai l'impression qu'il s'agit d'une petite armée, qui la protège, et que c'est pour ça qu'elle éprouve le besoin de les lister et de les compter. Ça les consolide, peut-être. Elle m'a demandé si elle pouvait les emmener dans son lit à la sieste, tout à l'heure.

Parfois, ce sont des frères et sœurs. Elle m'a expliqué tout à l'heure, que c'était super, d'avoir plein de frères et sœurs imaginaires, qui ne sont pas petits comme l’Étourneau. Alors je me dis que ça lui sert à ne pas être seule entre nous (elle nous informe de temps en temps que nous sommes les parents de tout ce beau monde, je suis un peu submergée).

Parfois, ce sont des substituts de copains de classe. Pendant que j'écris, par exemple, elle est en train de faire un cours de gym avec toute la bande. Elle les fait passer groupe par groupe, elle leur fait faire des exercices de yoga ("et je veux voir personne baisser les jambes pendant 15 minutes! Et après on se redresse tran-quil-lement"). Tout à l'heure, ils faisaient tous l'étoile de mer sur le tapis, j'ai dû leur faire de la place en poussant tout ce qui gênait. Parfois ils sont plus ancrés dans leurs fictions spécifiques, et elle rejoue avec eux les scènes les plus périlleuses des films.

Ça m'attriste, parfois, parce que je vois bien qu'ils sont une réponse à quelque chose de souffrant, qu'on ne parvient pas à soulager de notre côté. Qu'on ne peut sans doute pas soulager, en fait. Et en même temps, je trouve ça malin, comme solution. Elle est résiliente, ma fille, comme beaucoup de gamins. Ptet qu'on devrait tous en prendre de la graine.

(Je viens de lui dire à l'oreille "je t'aime". Elle m'a demandé de le dire à tous les autres. J'ai dit qu'elle pouvait leur dire de ma part. Elle a murmuré "je t'aime de la part de maman", avant de m'annoncer: ils sont tous collés à ma bouche, ils ont entendu!).

dimanche 3 mai 2020

Du mauvais pied

Ce matin, réveil à 8h23, le bébé pleurait (première nuit entière passée dans la même chambre que sa soeur, moyennant deux interruptions-tétées, yay!).

A 10h04, j'ai pu prendre la première bouchée de mon petit déjeuner.

Entre temps, j'ai (ordre approximatif):

  • donné le sein à l'Etourneau
  • joué avec lui pendant que son père comatait à côté de nous,
  • levé le Moineau, dont la couche avait débordé
  • nettoyé la gamine
  • habillé la gamine
  • enlevé les draps de son lit
  • vidé la machine à laver d'hier, trié le linge qui va au sèche-linge et celui qui n'y va pas
  • lancé une lessive à 60° (non sans avoir remonté l'escalier parce que l'autre drap, dans lequel la couche avait débordé hier était dans le panier du haut).
  • étendu le linge
  • lancé le sèche-linge
  • lancé un lave-vaisselle (à tort, en fait, il était propre, juste pas vidé).
  • rapatrié près du lave-vaisselle toute la vaisselle qui restait encore dans la cuisine et dans la salle à manger
  • nettoyé un bout du plan de travail
  • préparer le chocolat du Moineau
  • préparé les boules à thé pour Nawimba et moi
  • essuyé les fesses de la gamine après son passage aux toilettes
  • nettoyé la table
  • vidé le lave-vaisselle avec Nawimba
  • rechargé le lave-vaisselle
  • mis la table du ptit déj
  • réussi à préparer mon demi pamplemousse (c'est pas que j'en avais super envie, mais on en a eu deux fois de suite dans les paniers de légumes commandés à Rungis, et personne d'autre n'aime ça dans la famille.
  • fait une première tartine au Moineau,
  • essayé de sauver un plant de tomate subclaquant en le ré-enterrant plus profondément dans son pot pour qu'il refasse des racines à partir de la tige
  • déplacé l'arche du bébé qui s'énervait pour voir si ça allait mieux avec un autre jouet
  • fait une deuxième tartine au Moineau.

Pendant ce temps, j'ai aussi:

  • réussi à aller pisser et m'habiller, quand même
  • lavé mes mains un nombre important de fois
  • shooté au moins trois fois dans les roues du caddie de courses qu'on ne peut pas ranger à cause du bordel qui s'entasse à sa place habituelle
  • rouspété et juré un nombre incalculable de fois
  • écouté, d'une oreille distraite mais légèrement envahie, le Moineau me raconter en boucle toutes les aventures nocturnes de l'ensemble de ses amis imaginaires, qu'elle éprouve le besoin de lister en entier à chaque phrase.

T'en foutrai, des "morning routines" épanouissantes qui te donne du peps et de la bonne humeur pour toute la journée.

Bon,c'est pas tout ça, je vais aller plier du linge, préparer des compotes pour le bébé, et mettre des boutons-pression aux bavoirs dont les scratchs sont fatigués.

samedi 2 mai 2020

Ira, ira pas?

Notre ville fait partie de celles concernées par cet article, qui indique que huit maires de Seine-Saint-Denis refusent de rouvrir les écoles maternelles et les crèches avant septembre. J'avoue qu'en l'apprenant, nous avons été plutôt soulagés, de ne pas avoir à décider si nous devions ou non renvoyer le Moineau à l'école dans quelques jours. Comme je l'écrivais sur Mastodon:

Spontanément j'aurais dit "non, c'est trop tôt". MAIS si je trouve qu'elle va trop mal à ce moment là, qu'elle a besoin de voir des gens, je pencherai sans doute plus vers le "oui". MAIS en même temps, j'estime qu'en Seine-Saint-Denis, on est vraiment pas prioritaires par rapport aux gens qui ont besoin de bosser pour pouvoir bouffer, ou aux gens qui virent dingues avec leurs mômes en appartement (on a un jardin, et je ne reprendrai pas les cours avant septembre). Donc ptet que je la garderai quand même au final. Je sais pas.

Pas de décision à prendre, donc. Et puis le soulagement aussi de pouvoir un peu plus se projeter dans la durée (je ne sais pas encore si Nawimba reprendra les cours, et si oui comment, et donc si je resterai à la maison seule avec les enfants ou non. Mais je sais au moins que les enfants sont chez nous, tous les deux, pour les 4 mois à venir (sauf renversement magistral de situation, pour la grande).

Cela dit, la maîtresse a demandé aujourd'hui sur le groupe whatsapp de la classe quels enfants reviendraient à l'école la semaine du 18. Apparemment, tant que la réponse du préfet n'est pas arrivée, ils font comme si les écoles allaient rouvrir. Sauf que bien sûr, ça va vouloir dire: masques pour la maîtresse et idéalement pour les petits (quand je dis "idéalement"... oui, bon, on se comprend, hein). Pas de contacts entre les enfants. Pas de temps de regroupement sur les bancs. Pas de jeux ensemble à la récré, pas de vélos, pas de toboggan. Des tables espacées dans la classe. Pas de coins "jeux" (sinon il faudrait tout pouvoir désinfecter tout le temps). Pas de cantine, je suppose. C'est au mieux irréalisable, et au pire, de la maltraitance psychologique. Ou l'inverse. (Je comprends bien qu'on ne puisse pas faire autrement et qu'il n'y a pas de bonnes solutions, hein. Juste, c'est nul.)

Donc voilà, même si l'école rouvre, elle n'ira pas. Pas dans ces conditions là. D'ailleurs le reste des parents est sur la même longueur d'onde. Très peu ont répondu que leurs enfants viendraient, pour l'instant. Je précise qu'évidemment, ce n'est pas toujours une question de choix: certaines personnes ne pourront pas faire autrement que de remettre leurs enfants à l'école. Mais pour nous, le seul avantage à l'y renvoyer était la sociabilisation. Si elle ne peut pas jouer, toucher, être proche de ses camarades... le jeu n'en vaut pas la chandelle.

Du coup on cherche des options. Peut-être va-t-on réessayer de proposer des appels en visio, même si les gamins de 4 ans ne sont pas très à l'aise avec cet outil... Peut-être, une fois que le confinement sera levé ou un peu adouci, pourra-t-on proposer à l'un ou l'autre des copains-copines du Moineau de venir faire des balades, dans la rue, en essayant que les gamins ne se touche pas trop trop, etc. Et puis une autre idée qui se fait jour depuis quelques jours, et qui a pris corps aujourd'hui. L'appartement à côté de notre rez-de-chaussée est occupé par une famille avec une petite fille, qui doit avoir un an de moins que le Moineau. On ne les connaît pas bien, notamment parce qu'ils ne parlent quasiment qu'espagnol (ils sont colombiens, il s'agit de la famille du frère d'un de nos voisins co-propriétaires, qu'on connait beaucoup mieux, pour le coup. Il les héberge chez lui depuis quelques mois, et loge chez sa copine, qui possède un autre studio dans la copropriété). On les entend, bien sûr, depuis qu'ils sont là, mais à part bonjour-bonsoir quand on se croisait dans la rue, on n'avait jamais vraiment entamé la discussion. Mais depuis quelques jours, la maman et la petite fille ont un rituel rigolo. Elles mettent un grand escabeau dans la cour pendant un quart d'heure en début de soirée, et se perchent ensemble sur la plus haute marche, pour regarder la rue. Et du coup, de chez nous, on voit leurs têtes dépasser au dessus de la barrière. Evidemment, ça a attiré l'attention du Moineau, qui s'est mise à avoir envie de les regarder sous différents angles (par les différentes fenêtres du rez de chaussée et du premier étage (la fenêtre de notre chambre surplombe leur cour..). J'ai essayé de freiner un peu en mode "c'est pas poli de regarder chez les gens", mais en fait, la curiosité du Moineau a fini par déclencher celle de l'autre petite fille, et ça a fait un peu boule de neige.

Du coup, quand j'ai croisé le regard de la dame tout à l'heure, j'ai fait coucou, et puis je suis sortie sur le pas de la porte avec ma fille, et on s'est toutes présentées. Et puis j'ai proposé que d'ici quelques jours, quand le déconfinement commencerait, la petite fille vienne jouer dans le jardin avec le Moineau. Ca me démangeait depuis quelques jours de leur proposer de profiter du jardin, mais je ne voyais pas trop comment garder ma fille dans la maison pendant que l'autre petite jouait. Le mieux est probablement qu'elles jouent quand même ensemble, et advienne que pourra. La maman m'a expliqué que sa petite avait repéré la maison en plastique du Moineau, et qu'elle avait très envie de venir dedans. J'ai aussi proposé de leur prêter une trottinette (mais elle en a déjà une). Donc d'ici dix jours, on devrait pouvoir mettre ça en route. Le truc marrant, c'est évidemment que C. ne parle qu'espagnol (et la maman ne parle pas bien français non plus). Ce soir, j'ai fait à peu près la traduction (je comprends à peu près, mais je ne suis pas du tout capable de parler plus que deux trois bribes, non plus), et le Moineau était un peu frustrée de ne pas comprendre.

Mais bon, on se refait pas, hein: j'ai proposé au Moineau de profiter des 10 jours qui viennent pour apprendre un peu d'espagnol. Je vais chercher une appli ou un site pour enfants, et hop. En plus, elle commençait à se plaindre un peu du "travail d'école". On va intégrer ça dans la palette des choses à faire "pour le travail", ça va passer comme une lettre à la poste. Tout à l'heure, pendant que je changeais le bébé, j'entendais Nawimba lui apprendre à dire en espagnol "tu veux aller aux toilettes?". Ce soir, elle était déjà en train d'imaginer: "Avec C., on pourra lire des livres! et on pourra faire des piques niques dans le jardin!" Ca va être marrant, je pense.

Et ça me rassure un peu, de me dire que ces deux petites filles auront au moins un peu de compagnie enfantine de temps en temps, plutôt que d'être toutes seules chacune dans son coin, à tourner en rond dans sa maison entre ses parents. C'est un bon compromis, je pense. Il faut que le virus circule, mais ce sera relativement limité, et moins stressant que l'ambiance "distanciation sociale de psychopathe" à l'école. Ca me réconforte beaucoup, cette perspective...

vendredi 1 mai 2020

Images d'un premier mai pluvieux

Nawimba, assis dans l'escalier devant le fenestron qui donne sur le jardin, essayant de distinguer pendant une grosse averse si le gazon pousse, en se servant des grosses jumelles vertes du Moineau (grossissement x2, quand même, attention!).

Nawimba et le Moineau reniflant, tour à tour, le bouquet de dahlias qui ne sentent désespérement rien. Je suis sortie sous la pluie cueillir trois roses. Maintenant, le bouquet sent bon :)

L'Etourneau, passionné par la pluie, tendu dans les bras de Nawimba au point de manquer de tomber. Pour aller voir, ce que c'est, cette eau qui se casse la gueule du ciel...

Le Moineau sortie avec son grand parapluie en forme de cloche et ses bottes de pluie, pour en profiter aussi.

Mes 15 plants de tomates rentrés il y a quelques jours à cause d'un refroidissement, qui s'inclinent peu à peu vers la fenêtre, pour chercher la lumière malgré la grisaille.

Et puis la tarte aux fraises pour l'anniversaire de Nawimba, et la peinture avec les enfants pour lui faire un cadeau (je sais pas si vous avez déjà essayé de faire une empreinte de la main d'un bébé de 6 mois, mais c'était pas le challenge le plus simple de la journée)!

mardi 7 avril 2020

Complicité

Une chose très chouette que nous aura apportée, quand même, cette crise et le confinement qui va avec, est l’opportunité de passer beaucoup de temps avec nos enfants. J'avais très peur, à l'annonce de la fermeture des écoles, collèges et universités, et quand on a vu le confinement arriver, de la perspective de passer des semaines les uns sur les autres. Je craignais vraiment l'enfermement avec le Moineau, j'avais peur de passer mon temps à lui crier dessus, d'être en conflit avec elle tout le temps. Finalement, pour l'instant, même s'il y a des moments plus compliqués que d'autres, dans l’ensemble, ça se passe bien. Ca nous offre beaucoup de moments de complicité, de câlins, à 2, à 3, à 4, avec toutes les combinaisons possibles. On gambade avec le Moineau dans le jardin, on rampe et roule avec l'Etourneau sur le tapis. On assiste à tous leurs progrès, en direct. Selon toute vraisemblance, on va voir les premiers le bébé ramper, s'asseoir. Pas impossible qu'il commence à parler avant la fin du confinement, vu comment c'est parti. La grande est partie pour apprendre à lire avec nous, aussi. C'est pas que j'y tenais plus qu'à autre chose (même si je garde des souvenirs assez nets et forts de l'apprentissage de la lecture avec mon propre père), mais ça se fait comme ça. Et c'est chouette à regarder.

Les enfants jouent, pour de vrai, ensemble. Rient au éclats ensemble. S’appelle l’un l’autre, chacun à sa manière. S'empoignent gentiment pour se faire des caresses-maladroites-mais-douces.

Ça aurait existé aussi sans le confinement, cette complicité, bien sûr. Mais peut-être pas avec la même densité, peut-être pas aussi tôt dans la vie de l'Etourneau. Peut-être pas aussi longtemps d’affilée (on n'aurait jamais eu plus d'un mois tous ensemble, et on aurait forcément vu d'autres gens dans la période, en temps normal).

Je suis un peu triste, parfois, que les enfants ne voient que nous. L'Etourneau devra « réapprendre » les quelques personnes qu’il connaissait avant le confinement: ses grands-parents, la nounou, le petit garçon qui est gardé avec lui. Mais ce côté « parenthèse hors du temps, hors du monde », peut-être unique, tous les quatre dans notre îlot, nous fabriquera, en contrepoint de la colère et de la tristesse et de la frustration, des beaux souvenirs, aussi. Peut-être le Moineau en gardera-t-elle même quelques-uns, qui sait?

Entre la naissance de mon fils, et ces quelques mois que nous vivons, l'année "universitaire" (qui n'en aura eu que le nom, vraiment, pour moi), sera dans mon histoire personnelle une respiration, sous le signe de la famille.

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