Un peu coincé.e.s

J'évoquais hier soir avec Liz les difficultés qu'on a avec nos aînés ces jours-ci, et plus spécifiquement, la répartition du temps et de l'attention entre les "grands" et les bébés.

Chez nous, ça ne se passe globalement pas si mal. Ou disons, y a des grandes plages de bien, entrecoupés de petits moments (ou parfois de journées entières) de "Moineau relou-relou". Elle vit apparemment plutôt bien le fait de ne pas sortir, en soi. Elle passe parfois beaucoup de temps à jouer seule, sans crier, passionnée par les histoires qu'elle se raconte. Souvent elle est avec nous, et on fait plein d'activités ensemble, et c'est super cool. Par moments, elle joue avec son frère, le fait rigoler tout ce qu'il peut, et c'est super.

Mais à d'autres moments, elle cherche juste à nous obliger à jouer avec elle (mais ce qu'on doit faire est très strict et il ne faut pas dévier du scénario sous peine de provoquer des crises). Ou elle veut nous empêcher (ou plutôt "m'empêcher") de dormir, ce que je vis très très mal. Ou bien il faut être à sa disposition, là, tout de suite, dans l'instant, alors que la couche du bébé déborde, que le minuteur de la cuisinière sonne, et que l'un des deux adultes est au téléphone pour un truc de boulot.

Et régulièrement il y a des intermèdes un peu tendus où elle cherche à s'interposer entre l'un de nous et son frère (soit pour nous évincer, nous, soit pour l'évincer, lui).

Rien de bizarre, rien d'inquiétant, dans tout ça. Mais de l'agacement, quand même, pas mal. Je n'arrive pas toujours à m'empêcher de crier, ou de punir. Un peu mieux ces derniers jours, quand même, mais je ne suis pas sûre d'être moins violente, ou moins effrayante, quand je ne crie pas. Je sais bien que les enfants sont autant "coincés avec nous" qu'on est "coincés avec eux". Et c'est visiblement aussi ambivalent pour le Moineau que ça l'est pour nous. Beaucoup de plaisir dans cette cohabitation permanente, et pas mal de frustration aussi.

Bref. Ce que je me disais hier en parlant avec Liz, c'est qu'au delà du fait de ne plus voir les copains et la maîtresse, de ne pas pouvoir se défouler autant que d'habitude physiquement, au delà du chamboulement des rythmes, de l'inquiétude qu'on doit probablement exsuder par moments avec Nawimba, il y a quelque chose comme une injonction contradictoire, dans cette situation, pour les "petits-grands".

On demande au Moineau d'être grande, d'être indépendante, vu que son frère est petit, et que, tout super-zen qu'il soit, quand il fait ses dents ou qu'il a faim, il faut bien s'occuper de lui en priorité; vu que le boulot doit être fait, et qu'on a pas tant de temps que ça pour le faire dans la journée; vu qu'il faut bien faire à manger, faire des lessives, faire des courses, ranger, etc.

Mais elle se retrouve en même temps dans une situation de tout-petit. Coincée entre papa et maman (et l'Etourneau, bon), avec personne d'autre dans le paysage. Pas de réelle possibilité d'indépendance. Plus d'autre influence que la nôtre. Toutes les nouvelles informations viennent de nous, toutes les décisions sont de notre fait. Elle épie chacun de nos mots, et s'immisce en permanence dans nos conversations, ce qui est à la fois super énervant, et très révélateur.

Quand elle a épuisé la patience de l'une et de l'autre (et que le troisième n'est pas réceptif pour une raison ou une autre), il n'y a personne d'autre vers qui se tourner. Il n'y a que nous, que nous. Que nous quatre. C'est comme quand elle était bébé, sauf qu'elle a presque quatre ans, et que notre attention n'est plus entièrement centrée autour d'elle.

L'école (et l'activité gym du mercredi, dans une moindre mesure) ont été une très bonne soupape pour elle, quand le bébé est né. Ça "diluait" un peu les problématiques de rivalité, et ça faisait entrer le monde extérieur dans la maison, à un moment ou le bébé et moi (au moins) étions "dans une bulle", repliés sur l'intériorité du post-partum. Et maintenant, tout ça a disparu. C'est comme s'il fallait l'aider à "produire de l’extériorité". Un extérieur qui ne soit pas dangereux. Qui ne soit pas juste des histoires de nombre de décès, de virus dangereux qui sévit "dehors". Sortir dans le jardin. Faire les activités de la maîtresse. Fantasmer sur ce qu'elle fera avec les copains pour son anniversaire. L'écouter raconter toutes les histoires de ses multiples amis imaginaires, qui sont de retour en force, après quelques mois de silence relatif. Essayer d'organiser des séances en "visio" avec les grands-parents, avec sa cousine de deux ans, qu'elle réclame à corps et à cris mais avec qui elle n'arrive pas vraiment à dialoguer (et qui est un peu comme elle, je crois. Elles ont besoin de se voir, mais pas de la même façon, ça coince un peu aussi, cette histoire là.).

Mais tout ça demande, évidemment de l'énergie, du temps. Et comme souvent, mes ressources en la matière sont limitées. Et je n'ai pas encore trouvé comment bien le lui expliquer.

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