samedi 2 mai 2020

Ira, ira pas?

Notre ville fait partie de celles concernées par cet article, qui indique que huit maires de Seine-Saint-Denis refusent de rouvrir les écoles maternelles et les crèches avant septembre. J'avoue qu'en l'apprenant, nous avons été plutôt soulagés, de ne pas avoir à décider si nous devions ou non renvoyer le Moineau à l'école dans quelques jours. Comme je l'écrivais sur Mastodon:

Spontanément j'aurais dit "non, c'est trop tôt". MAIS si je trouve qu'elle va trop mal à ce moment là, qu'elle a besoin de voir des gens, je pencherai sans doute plus vers le "oui". MAIS en même temps, j'estime qu'en Seine-Saint-Denis, on est vraiment pas prioritaires par rapport aux gens qui ont besoin de bosser pour pouvoir bouffer, ou aux gens qui virent dingues avec leurs mômes en appartement (on a un jardin, et je ne reprendrai pas les cours avant septembre). Donc ptet que je la garderai quand même au final. Je sais pas.

Pas de décision à prendre, donc. Et puis le soulagement aussi de pouvoir un peu plus se projeter dans la durée (je ne sais pas encore si Nawimba reprendra les cours, et si oui comment, et donc si je resterai à la maison seule avec les enfants ou non. Mais je sais au moins que les enfants sont chez nous, tous les deux, pour les 4 mois à venir (sauf renversement magistral de situation, pour la grande).

Cela dit, la maîtresse a demandé aujourd'hui sur le groupe whatsapp de la classe quels enfants reviendraient à l'école la semaine du 18. Apparemment, tant que la réponse du préfet n'est pas arrivée, ils font comme si les écoles allaient rouvrir. Sauf que bien sûr, ça va vouloir dire: masques pour la maîtresse et idéalement pour les petits (quand je dis "idéalement"... oui, bon, on se comprend, hein). Pas de contacts entre les enfants. Pas de temps de regroupement sur les bancs. Pas de jeux ensemble à la récré, pas de vélos, pas de toboggan. Des tables espacées dans la classe. Pas de coins "jeux" (sinon il faudrait tout pouvoir désinfecter tout le temps). Pas de cantine, je suppose. C'est au mieux irréalisable, et au pire, de la maltraitance psychologique. Ou l'inverse. (Je comprends bien qu'on ne puisse pas faire autrement et qu'il n'y a pas de bonnes solutions, hein. Juste, c'est nul.)

Donc voilà, même si l'école rouvre, elle n'ira pas. Pas dans ces conditions là. D'ailleurs le reste des parents est sur la même longueur d'onde. Très peu ont répondu que leurs enfants viendraient, pour l'instant. Je précise qu'évidemment, ce n'est pas toujours une question de choix: certaines personnes ne pourront pas faire autrement que de remettre leurs enfants à l'école. Mais pour nous, le seul avantage à l'y renvoyer était la sociabilisation. Si elle ne peut pas jouer, toucher, être proche de ses camarades... le jeu n'en vaut pas la chandelle.

Du coup on cherche des options. Peut-être va-t-on réessayer de proposer des appels en visio, même si les gamins de 4 ans ne sont pas très à l'aise avec cet outil... Peut-être, une fois que le confinement sera levé ou un peu adouci, pourra-t-on proposer à l'un ou l'autre des copains-copines du Moineau de venir faire des balades, dans la rue, en essayant que les gamins ne se touche pas trop trop, etc. Et puis une autre idée qui se fait jour depuis quelques jours, et qui a pris corps aujourd'hui. L'appartement à côté de notre rez-de-chaussée est occupé par une famille avec une petite fille, qui doit avoir un an de moins que le Moineau. On ne les connaît pas bien, notamment parce qu'ils ne parlent quasiment qu'espagnol (ils sont colombiens, il s'agit de la famille du frère d'un de nos voisins co-propriétaires, qu'on connait beaucoup mieux, pour le coup. Il les héberge chez lui depuis quelques mois, et loge chez sa copine, qui possède un autre studio dans la copropriété). On les entend, bien sûr, depuis qu'ils sont là, mais à part bonjour-bonsoir quand on se croisait dans la rue, on n'avait jamais vraiment entamé la discussion. Mais depuis quelques jours, la maman et la petite fille ont un rituel rigolo. Elles mettent un grand escabeau dans la cour pendant un quart d'heure en début de soirée, et se perchent ensemble sur la plus haute marche, pour regarder la rue. Et du coup, de chez nous, on voit leurs têtes dépasser au dessus de la barrière. Evidemment, ça a attiré l'attention du Moineau, qui s'est mise à avoir envie de les regarder sous différents angles (par les différentes fenêtres du rez de chaussée et du premier étage (la fenêtre de notre chambre surplombe leur cour..). J'ai essayé de freiner un peu en mode "c'est pas poli de regarder chez les gens", mais en fait, la curiosité du Moineau a fini par déclencher celle de l'autre petite fille, et ça a fait un peu boule de neige.

Du coup, quand j'ai croisé le regard de la dame tout à l'heure, j'ai fait coucou, et puis je suis sortie sur le pas de la porte avec ma fille, et on s'est toutes présentées. Et puis j'ai proposé que d'ici quelques jours, quand le déconfinement commencerait, la petite fille vienne jouer dans le jardin avec le Moineau. Ca me démangeait depuis quelques jours de leur proposer de profiter du jardin, mais je ne voyais pas trop comment garder ma fille dans la maison pendant que l'autre petite jouait. Le mieux est probablement qu'elles jouent quand même ensemble, et advienne que pourra. La maman m'a expliqué que sa petite avait repéré la maison en plastique du Moineau, et qu'elle avait très envie de venir dedans. J'ai aussi proposé de leur prêter une trottinette (mais elle en a déjà une). Donc d'ici dix jours, on devrait pouvoir mettre ça en route. Le truc marrant, c'est évidemment que C. ne parle qu'espagnol (et la maman ne parle pas bien français non plus). Ce soir, j'ai fait à peu près la traduction (je comprends à peu près, mais je ne suis pas du tout capable de parler plus que deux trois bribes, non plus), et le Moineau était un peu frustrée de ne pas comprendre.

Mais bon, on se refait pas, hein: j'ai proposé au Moineau de profiter des 10 jours qui viennent pour apprendre un peu d'espagnol. Je vais chercher une appli ou un site pour enfants, et hop. En plus, elle commençait à se plaindre un peu du "travail d'école". On va intégrer ça dans la palette des choses à faire "pour le travail", ça va passer comme une lettre à la poste. Tout à l'heure, pendant que je changeais le bébé, j'entendais Nawimba lui apprendre à dire en espagnol "tu veux aller aux toilettes?". Ce soir, elle était déjà en train d'imaginer: "Avec C., on pourra lire des livres! et on pourra faire des piques niques dans le jardin!" Ca va être marrant, je pense.

Et ça me rassure un peu, de me dire que ces deux petites filles auront au moins un peu de compagnie enfantine de temps en temps, plutôt que d'être toutes seules chacune dans son coin, à tourner en rond dans sa maison entre ses parents. C'est un bon compromis, je pense. Il faut que le virus circule, mais ce sera relativement limité, et moins stressant que l'ambiance "distanciation sociale de psychopathe" à l'école. Ca me réconforte beaucoup, cette perspective...

mercredi 29 avril 2020

L'enfant et la mort

Ma fille a 3 ans et demi. Donc, déjà, la mort, c'est un truc qui la travaille, depuis un petit moment. Et alors là, avec le confinement, et les trucs angoissants dont Nawimba et moi n'arrivons pas à nous empêcher totalement de parler, le sujet est au cœur de la majeure partie des histoires qu'elle se raconte. Et elle se raconte BEAUCOUP d'histoires, dans une journée. Elle est bavarde, elle a beaucoup d'imagination, et en ce moment, le moindre bout de quoi que ce soit, livre qu'on lui lit, vidéo de conte qu'elle regarde sur conseil de la maîtresse, bribe de discussion qu'elle chope en passant à côté de nous, est recyclé immédiatement. Les amis imaginaires (qu'elle tue et ressuscite allègrement depuis déjà longtemps..) se sont encore multipliés (un jour je vous les présenterai, ça fera un post à soi tout seul).

Et donc ce matin, cette perle. Elle appelle (sur son téléphone imaginaire) ses nouvelles copines (imaginaires) Morane (qu'elle prononce Mor-Anne) et Moriane, leur raconte sa vie, tout ça tout ça. Tout à coup je l'entends dire "Eh, mais Mor, tu sais, tu sais, Mor, Mor..." (comme font les enfants quand ils semblent tester une formulation, presque en goûter la saveur). Elle fait une pause, puis se tourne vers moi, et m'explique qu'elle est au téléphone avec Morane, et qu'elle l'appelle "Mor", parce que c'est son surnom (c'est nouveau). Et que là, la pauvre Mor, ça va pas trop, elle doit aller à son travail, alors elle a besoin d'être réconfortée.

Donc sa nouvelle copine imaginaire s'appelle littéralement "mort", et son problème principal, c'est qu'elle doit aller à son travail. Bon, on dira pas que le Moineau a pas compris les enjeux du moment, hein....

(Bon, rassurez vous, elle parle aussi de princesses, de super-héros, de cochons, de chevreaux, de sorcières, tout y passe, hein..)

jeudi 23 avril 2020

Contorsions parentales

Au début de la période du confinement, on s'est dit que c'était sans doute le bon moment pour "travailler" à passer l'Etourneau dans la même chambre que sa sœur la nuit (comprendre: si on fait des nuits de merde, on pourra dormir plus tard le matin et ne pas être trop crevés. Ah-Ah.) Mais comme il se réveillait encore plusieurs fois par nuit, et qu'il braillait fort fort fort, ça s'est pas très bien passé, et le Moineau était crevée et ronchon. On ne voulait pas qu'elle le prenne en grippe, alors on s'est dit qu'on allait faire des étapes intermédiaires.
Ce qu'on a trouvé, c'est un compromis. On le couche dans notre chambre, dans son berceau de co-dodo dont on a remis la paroi amovible, à la même heure qu'elle va au lit. Et quand nous, on va se coucher, on le déplace avec précaution dans le bureau de Nawimba, et il finit sa nuit là. Ça marche pas mal, il a fait pas mal de nuits complètes, et le reste du temps, il ne se réveille en général plus qu'une fois, quelque part entre 1h30 et 3h du matin, entre son coucher et 6 ou 7 h du matin.

Il faut donc nous imaginer venir, dans le noir, le chercher vers minuit, se saisir chacun d'un côté du berceau, et manœuvrer le truc pour ne pas cogner le radiateur, les boites entreposées dans le couloir "PARCE QUE JE SAIS PAS OU LES FOUTRE CES PUTAINS DE BOITES, SI T'AS UNE IDÉE JE T'EN PRIE!" (je crie pas, dans ces cas là, évidemment, rapport au gamin qui pionce comme un bienheureux dans son berceau qui tangue. C'est un doux chuchocris, que je produis), la porte, le second radiateur, le bordel du bureau de Nawimba, la rampe de l'escalier. En plus cette saloperie de berceau est asymétrique, les pieds dépassent plus d'un côté de l'autre. Toi, tu crois que t'as super bien centré le biniou en passant la porte, et VLAN, tu te manges le chambranle. Donc on se guide en chuchotant. "A gauche, à gauche, penche un peu, non pas trop, attention la porte! à droite, nan ma droite!". C'est folklo.
Depuis deux jours, on est devenus super forts, on ne heurte plus rien. Ça le gênait pas, qu'on cogne des trucs, le môme. Il n'en avait rien à secouer (c'est le cas de le dire). Mais moi, j'ai l'impression d'avoir gagné une nouvelle compétence, pendant ce confinement. Un truc qui ne me servira plus jamais après, sans doute (enfin j'espère), mais qu'on a fait pour la gloire, quoi. On a les ptites victoires qu'on peut.

Bref. Du coup, je songeais en rigolant à toutes ces petites stratégies-bricolages que mettent en place les jeunes parents pour préserver le sommeil de leur progéniture (et un peu de santé mentale).
Je repense par exemple avec un peu d'émotion à cette époque où on dormait chacun par tranche de deux heures dans le lit, pendant que l'autre se calait dans un transat de jardin au milieu du salon avec le Moineau en écharpe, le plus possible sous l'escalier parce que c'était le seul endroit où on échappait à peu près à la lumière du lampadaire placé stratégiquement JUSTE en face du fenestron (depuis, on a mis un rideau occultant devant ce truc). J'y repense avec émotion, mais pas de regrets, hein. C'était très inconfortable.
Y a aussi la fois où Nawimba a monté et descendu 14 fois l'escalier (donc l'équivalent de 14 étages, hein), pour endormir le Moineau. Ou la fois où il courait en la tenant bien serrée dans ces bras (elle avait 3 semaines) dans l'enfilade des pièces pour lui faire du vent sur la tête pendant la canicule.
Sans compter bien sûr les kilomètres parcourus en berçant les ptites choses parfaitement réveillées. Les thés froid réchauffés 4 fois, et toujours pas bus. Les épaules à moitié luxées pour attraper un truc parce que la bestiole pionce ENFIN sur toi et que tu ne veux surtout pas la réveiller (alternative: le ramassage d'objets avec les orteils. Encore une compétence de folie acquise dans la période post-partum).

Ce qui me manquera un peu, je crois, quand notre deuxième enfant sera trop grand pour être bercé, ce sera la vision de Nawimba faisant le "Oompah Loompah", librement inspirée de cette vidéo). C'est assez indescriptible, mais en gros, il prend le bébé contre lui, et se dandine de gauche ("oompah") à droite ("loompah"), réitère ("oompah loompah") puis plie les genoux pour faire une descente un peu brusque ("oooouuuhm"). Et on recommence. C'est délicieusement ridicule, et ça marche très bien. Et je serai triste de ne plus le voir. J'essayerai ptet de le filmer, un de ces quatre, pendant qu'il est encore temps :)

dimanche 5 avril 2020

Mesdames, Messieurs

Il y a environ un an, on était allés à la FN*C pour je ne sais quelle raison, et on avait passé un moment au rayon des bouquins pour enfants à chercher, je crois, le Prince de Motordu, pour le Moineau. Une vendeuse, qui nous avait aidés à le localiser, avait trouvé le Moineau plutôt mignonne, et lui avait donné une grande affiche des "Monsieur Madame" (oui, encore eux), avec tous les personnages listés dessus. La petite ne connaissait pas encore, et je ne voyais pas où mettre cette affiche, alors je l'avais mise de côté (en pestant contre les cadeaux publicitaires, et mon incapacité à balancer les trucs qui viennent immanquablement encombrer ma maison).

Je l'ai ressortie il y a quelques jours, car le Moineau a entre temps découvert les Monsieur Madame, et adore se les faire lire, se les re-raconter ensuite, et gloser à l'infini sur ce qui y arrive. J'ai punaisé l'affiche dans sa chambre, et depuis, elle passe beaucoup de temps à les inventorier, à comparer les listes présentes au dos des livres et celle de l'affiche etc.. Ce qui est cool, c'est que c'est un super support pédagogique! Régulièrement dans la journée, je l'envoie compter les personnages de telle ou telle couleur, de telle ou telle forme. Ou bien identifier tel personnage en fonction de sa description. Ça marche super bien!

Hier, je lui ai dit qu'il y avait 100 messieurs et mesdames dessus. Elle a essayé de les compter, mais elle a eu du mal une fois arrivée vers les 27, 28.. Elle a compris le principe, mais pas encore mémorisé les noms des dizaines, et donc au bout d'un moment, elle bute et commence à compter en boucle. Donc là, elle faisait ça. Et puis elle est restée songeuse un moment devant son affiche, s'est tournée vers moi et m'a dit: Y a pas de liste pour les chiffres.. C'est nul, faudrait une liste pour les chiffres

Du coup, tout à l'heure, je lui ai fait une grande affiche, avec les nombres de 1 à 100. Et on l'accrochera demain à côté de celle des Monsieur Madame. J'ai parié il y a deux semaines qu'elle saurait lire à la fin du confinement. Mais finalement, ptet qu'elle saura compter, à la place :) (Et de fait, compter sans erreur au delà de 10, ça fait peu de temps, c'est lié au fait de devoir se laver les mains pendant au moins 15 secondes...).

page 2 de 2 -