mercredi 29 avril 2020

Courts

Or donc, il y a quelques jours, j'ai été prise d'une intense envie de couper mes cheveux. Ça me prend régulièrement, j'atteins d'un coup un seuil, et en général, j'agrippe les premiers ciseaux qui me tombent sous la main (souvent les ciseaux à ongles, parce que, oui, voilà, c'est comme ça), et je ratiboise. La dernière fois, j'ai réussi à attendre (alors que c'était pendant mon congé mat, ça a duré looongtemps, j'ai une volonté de fer) le moment fatidique où j'ai pu aller chez le coiffeur, j'étais trop fière de moi.

En ce moment, évidemment, je ne peux pas aller chez le coiffeur. Mais comme je ne sors pas non plus pour aller où que ce soit d'autre, je me suis dit que ce n'était pas dramatique de le faire seule, que si je me ratais, ça aurait peu de conséquences. Mais, comme nous sommes confinés, et qu'il y a une étrange pression sur les gens de ma classe sociale pour en profiter pour apprendre à faire des trucs chelou, genre, du levain, des masques en tissus, du gel hydroalcoolique, des pâtes maison, etc, je me suis dit que j'allais apprendre à me couper les cheveux à la tondeuse.

YOLO.

Pendant deux jours, j'ai regardé des tutos sur le net, en comptant sur mes boutons de gilet: j'le fais, j'le fais pas, j'le fais, j'le fais pas. Le sabot de la tondeuse de Nawimba permet de couper a maximum 23mm. Je trouvais que ça faisait court, j'avais peur de ne pas bien savoir manier la bête, etc.

J'ai fini par me lancer, et franchement, j'étais grave fière de moi. Je m'en suis carrément bien tirée. Nawimba m'a un peu aidée derrière, m'a rasé la nuque (détail qui a son importance dans la suite de l'histoire). J'ai pris plein d'autoportraits dans la journée, j'ai nargué mon fils qui avait moins de cheveux à empoigner, j'étais heu-reuse. Et puis à 22h, en passant devant le miroir, je me suis dit "mmh, il faudrait raccourcir un tout petit au dessus de l'oreille, pour que ça fasse un arrondi plus doux."

JE LE SAIS, POURTANT, QU'IL NE FAUT JAMAIS FAIRE DES RETOUCHES À QUOI QUE CE SOIT À 22H QUAND ON EST CONTENT DE CE QU'ON A PRODUIT DANS LA JOURNÉE! QUE CE SOIT UNE AQUARELLE, UN BRICOLAGE, UN POWERPOINT DE CONFÉRENCE OU UNE PUTAIN DE COUPE DE CHEVEUX!! JAMAIS!

Vous la voyez venir, là, la suite de l'histoire? Juste avant de relancer la tondeuse pour une mini-micro-pico-retouche au dessus de mon oreille droite, je vérifie le réglage, il est à 1 mm! Je me dis "ouhlala, je l'ai échappé belle, didonc, faut bien remettre à 23 mm, ahah, ça aurait été con de me raser le côté de la tête à blanc uhuh."

J'ai oublié de remettre le sabot.

Of course.

Y a au moins 5 personnes qui m'ont dit "Ah, c'est une erreur classique, tout le monde la fait!"

Ben voyez, j'aurais bien aimé être moins prévisible, moins comme tout le monde, sur ce coup là. Plus disruptive. Parce que là, le carré tout blanc juste au dessus de l'oreille, j'ai trouvé ça moyen glop (bon en vrai, j'ai pris un fou rire, parce que c'était tellement n'importe quoi).

Je vous passe les détails, mais en gros, pendant une heure, Nawimba et moi on a essayé de rattraper l'affaire, en se marrant comme des baleines. Clairement, il n'est pas plus doué que moi pour faire un dégradé à la tondeuse. On a appris qu'étrangement, coiffeur, c'est comme instit, nounou, cueilleur de fraise ou ministre de l'éducation nationale, ça s'improvise pas. Tous ces beaux enseignements de cette crise qu'on aura tirés ohlala, c'est magique.

Du coup, le soir même, j'avais un quart droit de la tête à 1 ou 2 mm, le reste du pourtour à environ 1 cm, et le dessus à 2 cm. Ça ressemble à rien. Ça me donne l'air vaguement guerrier, et ça fait ressortir mes cernes. J'ai l'air d'une skinhead zombie, c'est très seyant.

Conséquences immédiates: mon fils ne peut plus du tout me tirer les cheveux (c'est cool). Il est maintenant hors de question que je fasse des visio conférences avec mes étudiants (c'est ptet moins cool, encore que, j'en sais rien). Je suis pas très motivée pour sortir, et contente de ne pas être obligée de me déconfiner le 11 mai.

Cela dit, ça repousse super vite, et par ailleurs, on s'habitue assez vite. Et les sensations sous la main sont assez agréables, je dois dire. L'étourneau a l'air de penser la même chose. Il ne tire plus, mais il passe pas mal de temps à tripoter les différentes zones, j'ai l'impression d'être un tapis d'éveil avec des matières pour développer le sens du toucher. En moins coloré.

Bon, on aura bien rigolé sur cette histoire, qui restera dans les annales familiales, je pense. Et ça a fait rigoler aussi mon entourage, c'est toujours ça de pris, en ce moment :)